Introduction
Après la bataille de Philippes en -42 (qui vit Octave et Antoine vaincre les Républicains Brutus et Cassius dans la plaine de Philippes, en Macédoine, et sonna le glas des espoirs du Sénat de préserver le régime républicain), Octave procéda en -41 au partage des terres de 18 villes d'Italie entre les vétérans de César. Elles n'y suffirent pas : on y ajouta le territoire de Crémone (actuel chef-lieu de la province de même nom en Lombardie, dans la région de la plaine du Pô, dans le nord de l'Italie) qui avait été du parti de Brutus et Cassius et on empiéta même sur celui de Mantoue : le petit domaine de Virgile, à Andes, fut compris dans le partage, avant que Virgile n'obtînt d'Octave de ne pas être spolié. La première des Bucoliques de Virgile fait allusion à ces expropriations, puisqu'elle met en scène Mélibée, petit propriétaire dépossédé et contraint de s'exiler avec son troupeau de chèvres, seul bien qui lui reste, et Tityre, affranchi et propriétaire qui, par une démarche personnelle faite à Rome auprès d'Octave, a obtenu la promesse de ne pas être spolié et peut pratiquer l'otium pastoral et s'adonner paisiblement à la poésie amoureuse. Au début de cette première églogue, on assiste à la rencontre inopinée des deux hommes, dont la condition diffère du tout au tout, avant que Mélibée n'exprime à partir du vers 46, dans une tirade plus longue, son désespoir personnel, ce qui peut paraître paradoxal dans une bucolique, traditionnellement vouée à la célébration du bonheur des bergers.
Problématique : comment Virgile s'approprie-t-il le genre de la bucolique et quelle dimension nouvelle, à la fois politique et philosophique, lui confère-t-il ?
I. UN DIALOGUE QUI OPPOSE DEUX SITUATIONS DANS UNE BUCOLIQUE AUX ACCENTS AUTOBIOGRAPHIQUES ET HISTORIQUES
A. Un contraste entre le bonheur de Tityre et le malheur de Mélibée
Après que Tityre a raconté son voyage à Rome et sa rencontre avec un jeune héros (v.19-45), Mélibée le félicite et oppose à ce bonheur ses propres plaintes (v.46-78). (...)
[...] Tigrim : accusatif, le Tigre servait de frontière au pays des Parthes. [quam vultus] : proposition subordonnée temprelle labatur : subjonctif présent, voulu par la présence d'ante quam illius : génitif singulier. Sens emphatique. Désigne le jeune homme. (Attention, avec i long pour la scansion) nostro pectore : ablatif indiquant la provenance (sans ex ou ab) vers holospondaïque Les cerfs légers brouteront donc dans le ciel et les flots déposeront sur le rivage des poissons à nu, ante pererratis finibus exsul amborum et en exil, visitant les pays l'un de l'autre, aut Ararim Parthus bibet aut Germania Tigrim, le Parthe boira la Saône ou le Germain le Tigre, quam nostro illius labatur pectore vultus. [...]
[...] Virgile quant à lui a reçu d'Octave la promesse de conserver son domaine et il exprime sa reconnaissance par la bouche de Tityre. Tityre et Mélibée ont donc en réalité tous les deux certains points communs avec Virgile : Mélibée est victime de l'expropriation comme faillit l'être Virgile ou comme il le fut un temps et Tityre conserve ses terres comme ce fut finalement le cas pour Virgile ; la description des terres de Tityre s'inspire en outre du domaine de Virgile, entre les collines et le Mincio, avec une grotte antro v.75) et une petite falaise rupe v.56 et v.76). [...]
[...] Voilà pour qui nous avons ensemencé nos champs ! Et maintenant, Mélibée, greffer des poiriers, aligne des vignes ! Allez, troupeau jadis prospère, allez, mes pauvres chèvres : je ne vous verrai plus désormais, allongé dans une grotte verdoyante, vous accrocher au loin à la roche buissonneuse ; plus de chansons ; non, mes pauvres chèvres, je ne vous ferai plus brouter le cytise en fleurs et les saules amers. TITYRE Ici, du moins, tu aurais pu te reposer avec moi, cette nuit, sur des feuilles vertes ; nous avons des fruits mûrs, des châtaignes moelleuses et du fromage frais en abondance. [...]
[...] Cela est particulièrement visible dans les vers 49-50 : les verbes péjoratifs temptabunt (v.49) et laedent (v.50), s'ils sont niés pour Tityre, expriment le malheur qui attend le troupeau de Mélibée. La deuxième tirade de Mélibée (à partir du vers 64) évoque explicitement ses souffrances et ses préoccupations : o avec une première personne du singulier comme du pluriel qui se substitue à la deuxième personne du singulier jusqu'ici omniprésente. o Comme lorsqu'il évoquait le bonheur de Tityre, Mélibée emploie le futur mais il faut remarquer qu'ici ibimus (v.64) et non videbo (v.75-76) traduisent le départ et que habebit (v.70) désigne un homme qui jouira de certains possessions à la place de Mélibée. [...]
[...] limon) Quamvis + subjonctif : bien que Juncus, m. : le jonc Palus, udis, f. : le marais (cf. paludisme) Obduco, is, ere, duxi, ductum : recouvrir Pascua, orum, n. pl. : le pâturage Phrase 2 Insuetus, um : inaccoutumé, nouveau Pabulum, n. le pâturage Tempto, as, are, avi, atum : mettre à l'épreuve, corrompre (cf. tentation) Gravis, is, e : lourd, en état de grossesse (cf. [...]
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