Lorsque l'on s'interroge sur le sens de la vie et sur ce qui rend valable l'existence entière, trois idées viennent spontanément à l'esprit : la moralité, la justice et le bonheur. Pourtant, des trois idées, il semble que c'est le bonheur qui est central, parce qu'il est la condition nécessaire et suffisante d'une vie réussie.
En ce sens, on dit que le bonheur est un bien suprême, un Souverain Bien, car il est ce que vise tout homme, il est le désirable absolu : en effet, il ne viendrait à l'idée de personne de se demander « à quoi bon être heureux ? » Et en même temps, il est ce que l'on vise pour lui-même, il vaut par soi seul. Ainsi, je ne veux pas être heureux pour autre chose que pour le bonheur lui-même. Bref, c'est un bien indépassable, un bien ultime.
Néanmoins, si l'on demande ce qu'est le bonheur et comment l'atteindre, les difficultés se précisent. En effet, bien que nous ayons tous une idée vague du bonheur, lorsque l'on nous demande d'en définir le contenu, les mots semblent manquer, ou bien alors, personne ne s'accorde sur le contenu. Les hommes, qui s'accordent si bien sur le mot, ne s'entendent pas sur la chose : en effet, tous appellent « bonheur » ce qu'ils désirent absolument, mais tous ne désirent pas les mêmes choses (...)
[...] Pour Aristote, le genre de vie le plus heureux consiste donc en l'activité philosophique car c'est : 1. l'activité la plus haute (car l'intellect est la meilleure partie de nous-mêmes) l'activité la plus continue (c'est la plus stable dans le temps) 3. l'activité la plus agréable (nous éprouvons la joie de connaître, de comprendre) 4. l'activité la plus indépendante (autosuffisante, elle réclame le moins d'éléments extérieurs : situation matérielle, collaborateurs ) 5. l'activité la plus désintéressée (elle est le plus une fin en soi, le moins un moyen ; elle est aimée pour elle-même) 6. [...]
[...] Il nous semble que la réponse d'Aristote à cette objection est intenable, puisque ce que nous cherchons en arrachant l'homme à sa condition strictement animale, c'est un bonheur qui lui soit propre, non point un genre de vie divin. Du reste, ce genre de vie nous paraît impossible, ou tout au moins précaire, pour une raison simple : le bonheur est une activité que le genre de vie le plus haut, le plus élevé, suppose constante et continue. Or, l'homme ne peut demeurer constamment en acte, car il se fatigue ; en ce sens, il peut même se fatiguer du plaisir. Personne ne ressent, en effet, le plaisir de façon constante. [...]
[...] Si le bonheur est effectivement le Bien souverain, alors, nécessairement, le plaisir l'accompagne, comme 1 en en étant le signe. C'est pourquoi Aristote écrivait de manière plaisante en son Ethique à Nicomaque VII 1153 b 19 : Et ceux qui prétendent que le supplicié sur sa roue ou la victime de grandes infortunes sont heureux pourvu qu'ils soient hommes de bien, ces gens-là, bon gré mal gré, parlent pour ne rien dire. Aucun homme heureux, en effet, n'éprouve de la peine, car on ne peut dissocier le bonheur et le plaisir qui l'accompagne. [...]
[...] Grâce à la philosophie, il nous apparaît clairement que deux biens sont donc constitutifs du bonheur : premièrement, une relation satisfaisante avec soi-même (définie essentiellement par l'absence de tout trouble de l'âme) : c'est ce qu'Epicure appelle l'Ataraxia ; deuxièmement, une relation satisfaisante avec autrui : c'est l'amitié, la Philia. En un mot, pour être heureux, il faut l'amitié avec soi-même (s'aimer soi-même) et l'amitié avec autrui. Or, c'est la philosophie, considérée comme une médecine de l'âme, qui nous les procure. Le bonheur est dans la jouissance (Gorgias de Platon). Au fond, l'hédonisme d'Epicure est ascétique, il est très mesuré, ajusté au niveau de la raison. [...]
[...] C'est là l'idée de la causalité finale. En effet, c'est la considération de la fin que vise une chose qui en définit le bien spécifique. Ainsi, à l'être humain correspondra donc une finalité à mettre en acte (activité) et à achever. Je veux me réaliser, je veux m'accomplir En disant cela, nous ne disons pas autre chose que je veux être heureux Etre heureux consiste en quelque sorte à devenir ce que l'on est. Deviens ce que tu es disait Nietzsche. [...]
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