La question du goût en esthétique est loin d'aller de soi. Elle émerge tardivement, à la suite de la constitution de l'esthétique et d'un public. Constitution qui s'est faite en passant d'une période où le beau était quelque chose d'objectif et normé, à une période que l'on peut nommer l'esthétique du sujet, période où émerge cette question du goût. La problématique posée par cette question est la suivante : soit il existe un sens commun esthétique qui impliquerait qu'il y ait des critères esthétiques, des goûts purs et des goûts impurs, soit il n'y a pas de sens commun esthétique ce qui implique que le goût est strictement subjectif et personnel.
C'est ce problème de la diversité des jugements et opinions, dont traite Yves Michaud dans cet extrait de Critère esthétiques et jugement de goût, problème qui est central en esthétique et qu'il est possible d'illustrer par la célèbre phrase : « des goûts et des couleurs on ne discute pas ».
[...] Pour répondre à cette interrogation Yves Michaud nous a présenté trois positions, trois formes de réactions qui peuvent être adoptées face à ce dilemme. La première réaction consistait à postuler l'existence d'un domaine véritable de l'esthétique qui échapperait à cette confusion, ce qui impliquerait l'existence de normes et par là même d'un goût pur La seconde réaction consistait au contraire à accepter l'idée que ces expériences esthétiques, ces jugements, sont si divers qu'ils en sont incommensurables. La question du goût est donc renvoyée au domaine de l'intime, du personnel : à chacun ses goûts Michaud nous propose alors une troisième alternative, qui est celle qu'il va approfondir par la suite. [...]
[...] Cette stratégie, Michaud, la qualifie de néo-dogmatique ou de néo- formaliste. Le formalisme étant un concept esthétique qui désigne les mouvements artistiques en mettant l'accent sur la forme plutôt que sur le fond Idée que l'on retrouve par exemple dans la doctrine de l'art pour l'art Quant au dogmatisme il s'agit d'une philosophie de la connaissance, qui considère que l'homme peut atteindre une vérité absolue par le biais de la raison. Cette doctrine s'oppose en l'occurrence à celle du scepticisme. [...]
[...] Et d'autre part tous ces jugements ont cette même prétention de juger péremptoirement. Ceci est ce que Michaud nomme la situation normale c'est-à-dire ce qui correspond à la pensée courante de notre société : chacun tient son jugement esthétique pour le bon, et il est très difficile d'en discuter : ainsi il est peu probable de réussir à convaincre quelqu'un de la beauté d'une chose que lui va trouver laide. Michaud explique alors que cette phrase des goûts et des couleurs on ne discute pas est loin d'être correcte et fait partie de ces expressions qui veulent tout et rien dire à la fois : au contraire des goûts et des couleurs on discute beaucoup, et tout le monde sait que dans ces discutions, on aboutit généralement à des désaccords insurmontables, ou alors à des accords de forme qui ne seraient, en réalité, pas vraiment accordés, pour peu que l'on aille au fond des choses. [...]
[...] Il existe pour lui des règles pour bien juger qui sont tirées de l'expérience. Pour lui tous les jugements ne se valent pas, il y a une essence, une nature de la beauté. Selon lui, les goûts se forment et se cultivent d'où, pour lui, l'idée que les normes de la beauté sont dans des personnes : des experts, qui sont rares. Michaud explique, en donnant une interprétation charitable de ce dogmatisme, qu'il y a ici une de ces nombreuses démarches pseudotranscendantales, au sens Kantien. [...]
[...] La première attitude qui nous est présentée par Michaud est de, tout d'abord, reconnaitre cette diversité immense des objets et des jugements. Reconnaissance que l'on annule toutefois aussitôt au nom d'un domaine véritable de l'esthétique. Domaine qui, lui, échapperait à cette confusion. Il y a ici l'entreprise de redéfinir le domaine de l'art, et de l'esthétique par le biais de certaines œuvres posées comme canoniques c'est- à-dire par le biais de n'importe quelles œuvres ou artistes tant qu'ils sont érigés en référence. [...]
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