Trouble dans le genre, chapitre 1, Judith Butler, théorie féministe, anatomie, genre, déterminisme biologique, déterminisme culturel, Beauvoir
Le texte, écrit par Judith Butler, est extrait du premier chapitre de Trouble dans le genre, publié en anglais en 1990. Il porte sur les façons problématiques dont certaines théoriciennes féministes ont défendu l'idée que le genre est le fruit d'une construction. Butler, au lieu de prendre parti dans le débat sur ce qu'il faut entendre par la notion de construction, le décale en réfutant la conception du corps sous-jacente à ces théories. Selon cette conception du corps implicite, le sexe relève de la nature et le genre de la culture ; or Butler soutient que le sexe est déjà du genre. Elle clarifie les problèmes philosophiques posés par certaines théories féministes, notamment le problème de la liberté. Grâce à cette clarification, elle montre que le fait que le sexe semble ne pas être construit est lui-même le résultat d'une construction, masquée par le langage.
[...] Après avoir déroulé ce débat sur le genre et ces oscillations entre choix individuel et déterminisme culturel complet, Butler le décale en affirmant que dans les deux cas les théoriciennes n'ont pas perçu que le sexe est en fait déjà du genre. La citation de Beauvoir sur le corps permet à Butler de réfuter la représentation du corps comme tableau vierge affecté ensuite de contenus culturels par le groupe social. Le corps isolé préexistant aux significations culturelles n'existe pas : « il n'est pas possible de recourir à un corps sans l'interpréter [ . [...]
[...] Il faut choisir un genre : le sujet est soumis à « l'obligation culturelle » (l.34) de devenir une femme, ou un homme. Cette contrainte est, comme dans le premier cas, extérieure à l'individu. Toutefois Butler précise que chez Beauvoir l'anatomie ne détermine pas le genre : dans le texte anglais elle écrit plus clairement qu'une « female » ne devient pas nécessairement « woman ». À la différence des autres théoriciennes féministes mentionnées, ce n'est pas la loi culturelle qui décide du genre en fonction de l'interprétation culturelle de l'anatomie sexuelle de l'individu. [...]
[...] D'autre part, l'utilisation du mot loi sous-entend un mécanisme qui se répète, dépasse l'échelle individuelle et a un lien avec le pouvoir. Les deux dernières questions résument les interrogations sur la place de l'individu et de sa liberté d'une part, et le déroulé de la construction d'autre part, questions suscitées par la lecture de ces théoriciennes qui, selon Butler, ne semblent pas avoir perçu les conséquences de leur thèse. C'est ce que montre Butler à partir de « Dans certaines analyses » (l.15). [...]
[...] Si le genre est un attribut essentiel de la personne, le sexe est compris comme constitutif de l'essence de la personne. Il est stable et est la cause nécessaire de l'attribution de tel genre. Dire que la personne est de tel genre c'est donc dire qu'il y a un lien naturel de cause à effet entre l'anatomie et le genre (et qu'il n'y a que deux genres possibles). Contre ce discours normatif utilisant le verbe être pour donner l'illusion d'un genre donné naturellement par le sexe, Butler et les autres théoriciennes féministes soulèvent la possibilité de concevoir le genre comme un élément mouvant, non constitutif de l'identité profonde de l'individu. [...]
[...] Le genre s'impose alors à l'individu comme une contrainte extérieure à laquelle il doit obéir sous peine de réprimande, ce que souligne l'idée de loi. Personne ne peut y échapper. Butler n'emploie pas les termes de personne, sujet, individu, mais de corps pour indiquer l'absence de la capacité d'agir dans ces théories et la passivité des individus dans la détermination du genre. Le corps dans sa dimension anatomique est ici quelque chose d'objectivement séparable du genre et du sujet ; c'est un corps conçu comme étant un corps naturel ensuite transformé inévitablement de l'extérieur par la culture. [...]
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