Littérature, le trompeur de séville, Tirso de Molina, constat d'un pouvoir, critique d'une société corrompue, Isabela, Don Juan, valet Ripi, expression de la fatalité
Le passage du Trompeur de Séville et l'Invité de pierre à étudier constitue une charnière, une articulation de la pièce de Tirso de Molina. Situé lors de la deuxième journée, il met en scène à la fois le Duc Octavio, abusé lors de la journée précédente, Don Juan l'abuseur et le Marquis de la Mota, sur le point d'être abusé à son tour.
[...] La réplique « son plaisir fait loi » (alors qu'il ne respecte pas la volonté du roi) nous indique bien à quel point il se moque de cette loi, à quel point elle est dérisoire et facilement enfreinte, détournée et ignorée sans qu'aucun problème ne survienne. Mais l'ironie n'est pas le seul recours de Tirso de Molina : le discours grandiloquent du Duc Octavio, et ses éloges où les compliments s'accumulent et s'enchaînent pour pas grand-chose permettent aussi de souligner ce que Don Juan révèle. En effet, le duc venu demander réparation pour les ennuis au roi en ressort enchanté par bien peu de choses: une promesse de mariage et l'apaisement du courroux du roi de Naples. [...]
[...] Il y a là un effet de causalité : ils abusent tous deux des femmes DONC ils seront tous les deux punis. De plus, le changement soudain qui s'opère dans le discours du Marquis, tantôt parlant d'abuser des femmes tantôt soupirant d'amour pour Dona Ana nous livre un personnage peu constant, peu soucieux qui mérite presque d'être abusé. Les nombreuses questions de Don Juan sur la jeune femme indique rapidement au spectateur son désir de la déshonorer à son tour, chose que le Marquis, fatalement trop insouciant, ne remarque pas, tout à ces compliments, ces rêves et ses envie d'amour et de vie. [...]
[...] En se disant « César avec César », le duc donne l'impression de s'être battu aux cotés du roi, d'avoir touché du doigt la force du pouvoir royal lorsque que celui-ci n'est en réalité que factice et corrompu : le roi a laissé partir Don Juan et n'a guère pris de mesures contre lui. Cette faiblesse du pouvoir est aussi largement marquée par l'intervention du valet Ripio, qui à cette mégalomanie répond par « mais enfin, a-t-il fini par t'offrir une femme ? » , ce qui montre un besoin de concret, d'action en opposition aux belles paroles. [...]
[...] Ces apartés apportent donc à ce passage un aspect presque prophétique qui, ajouté à la répétition, entraîne un motif régulier : celui qui fait cette faute sera punie, ainsi, ce passage prends une fonction didactique à la fois pour Don Juan et les spectateurs/lecteurs ; ce qui est ensuite renforcé par le rapprochement que l'on peut opérer entre Don Juan et le Marquis. En effet, leur discussion, leur connaissance des mêmes femmes et même, leurs amusements ( faire des coups fourrés) placent les deux personnages dans la même situation. Ils deviennent des doublets en quelque sorte. Lorsque Catalinon prévient le Marquis des mésaventures que lui présage la suite des événements, il prévient d'un même coup Don Juan de ce qui l'attend au bout du compte et par extension, les spectateurs qui devraient se conduire de la sorte. [...]
[...] Il est intéressant de noter qu'il nous raconte qu'elle a le visage couvert d'un voile : au- delà d'un évident rappel du symbole de tromperie, de dissimulation de la cape de Don Juan dans l'incipit et la cape qu'il utilisera ensuite pour tromper doña Ana, cela nous ramène au milieu de ce discours emphatique au fait que rien n'est concret et que le duc se contente de promesses. Il est en quelques sortes « abusé » par le roi qui au lieu de lui servir le coupable et se montrer inflexible, stricte et puissant se montre lâche, faible et influençable. L'exagération des qualités du roi ne sert qu'à nous indiquer le contraire, la grandiloquence de ces compliments, leur accumulation le rendent ridicule. [...]
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