Emmanuel Kant distingue quatre grandes interrogations propres à la Philosophie auxquelles il fait correspondre à chacune un domaine de cette discipline : la morale, la métaphysique, la religion et l'anthropologie. Par exemple, la morale vise à répondre à la question « comment dois-je agir ? ». L'objet de l'anthropologie est de répondre à la question « Qu'est-ce que l'homme ? », autrement dit de déterminer l'essence de la nature humaine. De la réponse à ce problème découlent notamment des questionnements d'ordre politique, puisque la nature de l'homme affecte son comportement en société. Dans le Traité théologico-politique, Spinoza se demande pourquoi est-il indispensable qu'il existe un pouvoir central de coercition capable d'assurer la coexistence harmonieuse des hommes dans un cadre social. Il défend la thèse selon laquelle cette nécessité est due à la nature même de l'homme. Selon lui en effet l'homme est guidé par ses passions, ce qui le pousse à agir contre l'intérêt commun au profit de son plaisir égoïste. Le caractère irrationnel des désirs de l'homme conduit, pour permettre une vie pacifique en société, à la nécessité de l'instauration de lois régies par une force supérieure visant à réguler les pulsions humaines par la contrainte physique.
Dans un premier temps, Spinoza applique un raisonnement hypothétique selon lequel l'homme vivant en société pourrait se passer des lois s'il était guidé par des désirs le poussant à agir rationnellement. « Si les hommes étaient ainsi disposés par la Nature qu'ils n'eussent de désir que pour ce qu'enseigne la vraie Raison ». Dans cette optique, la désir des hommes est d'agir selon le Bien commun et non au profit de leurs avantages personnels. Les actes de cet homme altruiste et rationnel que présente Spinoza auraient pour fin la justice envers autrui, c'est-à-dire qu'ils auraient pour but de ne pas porter préjudice aux autres êtres humains (...)
[...] Sur ce point, la pensée de Spinoza se rapproche particulièrement de celle de Hobbes. Celui- ci, dans Le Léviathan, développe l'idée selon laquelle l'homme à l'état de nature vit une situation guerre de tous contre tous et de chacun contre chacun''. Si Spinoza est moins radical que Hobbes, les deux philosophes pensent que l'homme est guidé par des instincts qui le poussent au conflit contre ses semblables, ce qui provoque une situation d'instabilité totale sans l'instauration d'un ordre légal puissant. [...]
[...] Dans un second temps, Spinoza affirme que l'homme n'est pas guidé par la Raison mais par ses passions. Si l'homme croit agir selon ses intérêts, il est en réalité mené par les passions de l'âme et le seul appétit de plaisir Au fond, les forces qui poussent l'homme à agir sont contraires à la Raison, elles n'ont aucun égard à l'avenir et ne tiennent compte que d'elles-mêmes Autrement dit, leur logique s'oppose à la réalisation d'un Bien commun à tous les hommes, mais au contraire ceux-ci sont poussés à s'affronter et à empêcher en cela le déploiement du Bien commun. [...]
[...] Pour conclure, Spinoza affirme que les hommes, mus par leurs passions, ne peuvent vivre en société sans un pouvoir politique qui a pour objet d'instaurer des lois qui s'appliquent à tous. Ces lois doivent limiter les passions de l'homme pour permettre à ceux-ci une vie sociale apaisée, ''dépassionnée''. Les notions de pouvoir de commandement et de force qui garantissent le strict respect des lois, constituent les prémices d'une idée moderne de l'État. L'État moderne est en effet caractérisé par l'usage légitime d'un double monopole : la coercition et la production de normes institutionnelles. [...]
[...] Dans cette société idyllique, seulement composée d'hommes rationnels, que présente Spinoza, il n'y a pas d'autorité politique mais une autorité morale qui est absolue dans le sens où elle ne souffre d'aucune contestation puisqu'il n'y a qu'une Raison, et donc une seule manière d'agir en société. Cette société implique une seule conception du Bien, elle pourrait donc sembler avoir un caractère totalitaire, mais les hommes agissent à l'unisson sans l'exercice d'aucune contrainte, au contraire ils se conduisent librement selon l'intérêt commun. Cependant, Spinoza admet que l'homme a une nature toute autre. [...]
[...] L'amour de soi peut être défini par la recherche solitaire de sa propre survie. Dans l'état de nature que dépeint Rousseau, l'homme n'a pas à agir selon une quelconque morale puisqu'elle naît avec l'instauration de la société civile, c'est-à-dire la vie des hommes organisée dans un cadre social. Les hommes n'échangent pas, ne parlent pas, mais sont hommes car, pour Rousseau, ce qui caractérise l'humanité ce sont la liberté et la potentialité. Contrairement à Spinoza, Rousseau pense que l'homme ne vit pas nécessairement dans une société, que celle-ci est un artifice culturel contingent qui s'est imposé à l'homme pour des raisons exogènes obscures, qui peuvent par exemple être un changement climatique, et qui l'ont fait modifier son mode de vie. [...]
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