La tortue et les deux canards, La Fontaine, Fables X, 2, commentaire
A travers un recueil de Fables écrites en vers, La Fontaine, poète, fabuliste, dramaturge et librettiste du XVIIe siècle, met en scène des animaux ou des végétaux anthropomorphes, ici « La Tortue et les deux canards », « pour instruire l'homme ». C'est pourquoi ces apologues, réécritures d'auteurs antiques, ici Le livre des Lumières de Pilpay contiennent une morale, mise en scène dans chaque récit, souvent semblable à un conte, dans un but éducatif : faire réfléchir ses lecteurs sur les vices humains.
[...] On peut supposer qu'il se met ainsi à la place du lecteur qui découvre, déconcerté, cette référence littéraire. Un peu plus tard, aux vers 28 et 29, La Fontaine revendique par le biais du conditionnel passé deuxième forme « elle eût beaucoup mieux fait » presque un regret, ou du moins ce qui aurait épargné la vie de la tortue, si elle avait pu revenir en arrière. Ces commentaires du fabuliste qui ponctuent le texte contrastent pourtant avec une apathie de l'histoire contée et des misères de la tortue. La Fontaine semble se détacher du récit. [...]
[...] Ils ont recours à un discours direct, argumentatif, dans lequel ils exposent leur thèse d'une manière presque commerciale, sans vraiment lui laisser le choix. En effet, ils emploient le futur simple, et non le conditionnel, comme si elle allait forcément opter pour leur solution. Ainsi, les canards tentent de la convaincre en lui parlant de la diversité de « République », de « royaume », de « peuple », avec l'expression « maint » reprise trois fois, en un rythme ternaire, qui appuie justement cette variété et la quantité de choses qu'elle va pouvoir découvrir grâce à eux, ainsi que l'adjectif « différents » qui évoque l'étendue de ce qu'ils lui promettent d'entrevoir, accentué par le pluriel qui caractérise le qualificatif. [...]
[...] La leçon qu'elle propose peut évoquer un parallélisme avec une autre fable de La Fontaine, « Le Corbeau et le Renard ». En effet, dans les deux cas, l'auteur insiste sur la satire de la vanité, et condamne la naïveté de ses protagonistes qui succombent à la flagornerie, et commettent une erreur qui leur coûte respectivement la vie et un fromage. Toutefois, on peut notifier une nuance concernant la leçon dans le second cas; c'est le renard lui-même qui fait la morale à sa victime. [...]
[...] Il ressort une atmosphère calme de ce récit, on prête une oreille attentive au narrateur, comme si la fable était destinée à être lue à haute voix. L'utilisation du présent de narration à plusieurs reprises, des vers 16 à 18 puis des vers 20 à 24 au milieu d'un récit à l'imparfait, « était », et passé simple, « voulut » va également vers le même objectif. Ce moment de l'histoire est ainsi mis en valeur, peut-être pour éviter un ennui du lecteur et au contraire capter son attention, les verbes choisis étant par ce phénomène renforcés, on ressent d'autant plus fort « étonne[ment] » de la foule par exemple. [...]
[...] Enfin la « vaine curiosité » fait le lien avec le début de l'histoire, car si tout a commencé c'est bien à cause du désir inopportun de l'animal de visiter le monde, ou du moins de fuir cette terre qui est la sienne. Cette avidité lui aura été « vaine », car inutile, puisque l'a menée à la mort, avant qu'elle aie pu aller au bout de son rêve. Ainsi, « La tortue et les deux canards », de par sa constitution, pourrait s'inscrire dans le genre d'un conte fantaisiste, bien que son dessein moralisateur est caractéristique de l'apologue. C'est une fable brève, aux procédés stylistiques et poétiques variés, ce qui lui confère une certaine vigueur et une qualité oratoire. [...]
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