La Critique de la raison pure repose sur une solide théorie de la connaissance. La question directrice de la Critique est celle de la possibilité d'une connaissance a priori, c'est-à-dire indépendante de l'expérience. Cherchant à résoudre la querelle qui oppose les empiristes aux tenants du rationalisme, Kant reconnaît que la connaissance humaine provient de deux souches distinctes : la sensibilité et l'entendement. Par la sensibilité, qui produit les intuitions, les objets nous sont donnés; par l'entendement, qui produit les concepts, ces objets sont pensés. La nature du lien entre ces deux souches de la connaissance est donc un enjeu majeur de la Critique. Dans l'économie de la Critique, l'Esthétique transcendantale, qui traite de la sensibilité, précède la Logique transcendantale, qui traite de l'entendement. Kant explique cet ordre de présentation en soulignant que « la théorie transcendantale de la sensibilité devrait appartenir à la première partie de la science des éléments, parce que les conditions sous lesquelles seulement les objets de la connaissance humaine sont donnés précèdent celles sous lesquelles ils sont pensés. » Les définitions, distinctions et arguments apportés par Kant dans l'Esthétique n'en sont pas moins cruciaux pour le reste de la Critique. Ce sont ces arguments que nous analyserons ici, en en expliquant les moments les plus importants. Nous présenterons ensuite les conséquences tirées par Kant de ses propres arguments, sur lesquels nous reviendrons pour évaluer la pertinence de leurs conclusions. Nous évaluerons enfin la légitimité de l'usage éventuel de ces conclusions dans le reste de la Critique.
[...] La matière du phénomène est donc donnée par l'expérience, mais sa forme doit se trouver a priori indépendamment de toute sensation.[6] Kant en déduit que la forme pure (où l'on ne trouve rien qui appartienne à la sensation) des intuitions sensibles leur est donnée a priori par notre esprit. Il définit alors le projet d'une Esthétique transcendantale, qui doit être la science de tous les principes de la sensibilité a priori[7]. L'Esthétique s'attardera donc à l'intuition empirique, en excluant ce qui dans cette intuition appartient à la sensation, c'est-à- dire qui correspond à la matière du phénomène. [...]
[...] Or, Kant ne prétend pas ajouter à notre connaissance mais seulement exposer ce qui appartient à la représentation de l'espace. Nous concédons à Kant que l'espace et le temps sont les conditions de possibilité de l'expérience sensible. Nous devons également vérifier la prétention de Kant selon laquelle ces conditions de possibilité appartiennent à la forme de notre constitution cognitive. Selon Kant, on ne peut se représenter l'absence d'espace mais on peut penser un espace vide. Cela ne serait possible que si l'on considère l'espace comme étant une forme imposée à la matière qui se donne à notre esprit. [...]
[...] Nous présenterons ensuite les conséquences tirées par Kant de ses propres arguments, sur lesquels nous reviendrons pour évaluer la pertinence de leurs conclusions. Nous évaluerons enfin la légitimité de l'usage éventuel de ces conclusions dans le reste de la Critique. Argumentation L'argumentation de l'Esthétique transcendantale débute par une série de définitions. Kant distingue d'abord les deux souches de la connaissance. La sensibilité est la capacité de recevoir des représentations grâce à la manière dont nous sommes affectés par des objets[2] tandis que par l'entendement les objets sont pensés. Ainsi, la sensibilité fournit des intuitions, alors que l'entendement produit des concepts. [...]
[...] Valeur des arguments Ainsi, Kant répond dès l'Esthétique transcendantale au problème général de la philosophie transcendantale, celui de la possibilité des propositions synthétiques a priori. Ces propositions sont possibles dans les intuitions pures a priori, l'espace et le temps. Ces jugements sont possibles, mais ne peuvent dépasser les objets des sens, et ne peuvent valoir que pour les objets de l'expérience possible : ils ne sont valides que pour la science physique[28]. L'argumentation de Kant est analytique, explicative : après avoir défini les concepts qui fondent le cadre de sa théorie de la connaissance, il expose ce qui appartient aux représentations de l'espace et du temps. [...]
[...] Toutes les choses, en tant que phénomènes, sont dans le temps; si ces phénomènes sont externes, ils seront nécessairement mis en ordre dans l'espace. L'espace et le temps sont donc quelque chose de réel, soit les formes réelles de l'intuition sensible. La réalité de l'espace et du temps est subjective, en ce sens qu'elle tient de la constitution du sujet. Quant à l'idéalité transcendantale de l'espace et du temps, celle-ci a un double sens. Elle signifie d'abord que l'espace et le temps sont les conditions de possibilité de toute expérience, mais qu'ils ne sont rien d'autre. [...]
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