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Dans ce texte extrait du Rire, Bergson s'intéresse au rapport de l'homme au langage. L'auteur relie ici ce thème à la notion de conscience, mais aussi à celle de l'art. Tout au long de sa réflexion, Bergson se demande dans quelle mesure le langage constitue tout à la fois un appui et un frein à notre compréhension du monde comme de nous-mêmes. Le philosophe soutient une thèse étonnante, car fortement contre-intuitive : il affirme que, par le fait du langage, « ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d'âme qui se dérobent à nous-même » (l. 5-6).
[...] Le rire, Henri Bergson - Le rapport de l'homme au langage "Pour tout dire, nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s'est encore accentuée sous l'influence du langage. Car les mots (à l'exception des noms propres) désignent tous des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s'insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même. [...]
[...] à l'aide d'une question rhétorique : « quand nous éprouvons de l'amour ou de la haine ( . ) est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience ( . ) ? ». L'auteur considère que cela est bien loin d'être le cas, et que le langage nous prive au contraire du rapport particulier que nous devrions entretenir avec nos propres émotions. Le manque de précision des mots, qui s'avère problématique lorsqu'il est question de nommer une table ou un arbre, est décuplé lorsqu'il est question de nommer des sentiments, qui sont d'autant plus complexes qu'ils ont « mille nuances fugitives » et « mille résonnances profondes » (l. [...]
[...] Le langage nous empêche aussi de connaître notre être intérieur Pour Bergson cependant, il n'en est rien. De fait, il poursuit son raisonnement en soutenant que, par la faute du langage, « ce sont aussi nos propres états d'âme qui se dérobent à nous » (l. 6). Cette thèse a tout pour surprendre. Instinctivement, on aurait plutôt tendance à penser que le fait de mettre des mots sur des émotions nous permettrait de mieux les comprendre, et ce faisant de mieux nous comprendre. [...]
[...] Nos « états d'âme » perdent ainsi de leur « intimité », de leur « personnalité », et de leur « originalité », et cessent d'être « absolument nôtre », de nous appartenir ; et ce bien que nous soyons les seuls à jamais les avoir vécus. Cependant, Bergson ne soutient pas que l'homme est fatalement condamné à devoir communiquer sans jamais pouvoir s'exprimer. Au contraire, il explique que certains êtres hors du commun sont capables de retranscrire avec justesse leurs états d'âme et leurs émotions : ce sont les « romanciers, poètes, musiciens ». (l. Le philosophe considère en effet que si les mots du langage courant permettraient de retranscrire fidèlement la réalité de nos déboires intérieurs, nous leurs ressemblerions tous. [...]
[...] La propension instinctive de l'homme à la simplification est ainsi exacerbée lorsqu'il échange avec ses semblables. Pour se faire comprendre d'eux, il est obligé d'utiliser des termes généraux, les mots, afin de s'assurer qu'ils évoquent à tous quelque chose. Bergson développe cette idée dans la suite du texte, où il soutient que les mots « désignent tous des genres » (l. c'est-à-dire des catégories - un genre étant, par définition, une classe d'être ou d'objets qui partagent une ou plusieurs caractéristiques. [...]
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