L'homme se prétend volontiers « maître de lui comme de l'univers » parce qu'il aurait le privilège, non seulement d'être bien informé de ce qui l'entoure, mais aussi de savoir immédiatement ce qui se passe en lui, grâce à sa conscience. Pour Bergson, il est victime d'une double illusion, mais cela ne signifie pas qu'il en soit responsable. En effet, sa première tâche est sans doute de vivre, et si l'on affirme que "vivre consiste à agir", il est clair que c'est par rapport à l'action que l'individu doit d'abord être informé.
C'est précisément le rôle des sens et de la conscience, qui sélectionnent, dans le réel, les seules données qui nous soient utiles. Sans doute sommes-nous ainsi empêchés, à l'exception de l'artiste et du poète, d'avoir accès à la totalité du réel, mais au moins sommes-nous préparés à répondre efficacement à ses exigences ?
[...] Contrairement au commun des hommes, ils ont, d'après ce qu'en dit brièvement Bergson ici, de ne pas être soumis au voile qui s'interpose entre l'homme et le réel. En d'autres termes, il leur est possible d'avoir un accès plus direct à la réalité, dans sa diversité qualitative et sens tenir compte de la sélection entraînée par le principe d'utilité. Ce n'est pas seulement une manière de rappeler que l'art serait inutile même si l'on comprend l'adjectif comme synonyme d'indifférent aux exigences de la pratique. [...]
[...] Cela suppose que l'artiste n'a pas pour tâche d'enjoliver notre monde, mais bien plutôt de nous en offrir une version intégrale, délivrée de tout besoin de sélection. Mais cela fait aussi de son œuvre une exception dans la vie quotidienne, et du créateur un individu qui bénéficie d'un statut hors du commun En montrant combien nos sens et notre conscience sont liés à notre comportement dans le quotidien, Bergson n'a aucun mal à faire admettre que les informations qu'ils nous fournissent sont incomplètes et simplistes relativement à la complexité du réel. [...]
[...] "Le rire", Henri Bergson (1900) L'homme se prétend volontiers maître de lui comme de l'univers parce qu'il aurait le privilège, non seulement d'être bien informé de ce qui l'entoure, mais aussi de savoir immédiatement ce qui se passe en lui, grâce à sa conscience. Pour Bergson, il est victime d'une double illusion, mais cela ne signifie pas qu'il en soit responsable. En effet, sa première tâche est sans doute de vivre, et si l'on affirme que vivre consiste à agir il est clair que c'est par rapport à l'action que l'individu doit d'abord être informé. [...]
[...] Que signifie, dans le quotidien, vivre pour un individu? C'est réussir à résoudre les problèmes qu'il rencontre, à déjouer de manière satisfaisante les obstacles et à continuer ainsi, jour après jour, à prolonger son existence. Pour ce faire, il lui est nécessaire d'agir, même si l'on prend ce terme dans une acception modeste: agir, c'est savoir se diriger, prendre la bonne direction pour effectuer un parcours, monter dans un autobus, reconnaître les personnes avec lesquelles nous travaillons, pouvoir se concentrer sur un travail éventuel, etc. [...]
[...] Regardant tel objet qui m'est utile et croyant voir le tout (aussi bien de cet objet lui-même que de ce qui l'environne), écoutant tel discours et croyant entendre le fond dont il se détache, m'étudient dans une situation donnée (comment échapper à une situation?) et croyant me connaître en profondeur ou intégralement, je suis dans l'illusion. Le principe d'utilité révèle ainsi un envers quelque peu négatif, lorsqu'on passe de l'efficacité dans l'action à un critère tout autre, qui concernerait la qualité de ma relation au réel. [...]
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