Le rire, Bergson, moi, imagination, personnalité, imagination poétique
L'imagination est une faculté aussi mystérieuse que passionnante, sujet de nombreuses interrogations et réflexions, et à la puissance indéniable. Par exemple, dans l'univers fantastique (dans les deux sens du terme) de Pierre Bottero, ceux qui sont dotés d'Imagination avec un grand i peuvent basculer dans la réalité tout ce qu'ils se représentent.
Selon Bergson, dans cet extrait du Rire, son pouvoir ne va pas jusque-là, mais presque. Le moi, le caractère, sont forgés par de nombreux changements, plus ou moins conscients et contrôlés. Il en résulte de nombreuses versions potentielles, non-abouties, qui ne cessent pas pour autant d'exister ; elles demeurent en nous, faisant du moi une multitude de variantes demeurant dans notre subconscient... sauf lorsque l'imagination les manifeste.
[...] Il demeure en nous une multitude de versions non abouties de nous-mêmes, comme autant de mondes parallèles. Et depuis notre inconscient, ses différentes variantes agissent, sans que l'on ne s'en rende compte, influençant telle ou telle action. Et rien n'est définitif : certaines des versions en veille peuvent resurgir par un cheminement différent. Cela montre bien qu'hormis les décisions les plus drastiques, comme on en fait peu dans notre vie, aucune ne changera radicalement le moi au point de verrouiller à jamais une de ses variantes. [...]
[...] C'est ce que nous montre Jack London dans Le Vagabond des étoiles, où le protagoniste, incarcéré dans une cellule d'isolement presque complet, s'échappe de sa prison par l'imagination, en plongeant dans des transes comateuses où il vit des existences parfois entières, dont il est persuadé qu'elles sont ses vies antérieures. Que ce soit vrai ou pas, ces vies ont un point commun : lui-même. C'est la même conscience qui connaît ces aventures, elles le transforment légèrement sans qu'il ne devienne pour autant quelqu'un d'autre. [...]
[...] L'imagination serait donc beaucoup moins fertile sans ces versions endormies du moi. Elle les laisse se manifester ; ils « se[laissent] regarder ». Car sans la multiplicité du moi, l'imagination ne produirait que des personnages « avec des morceaux empruntés à droite et à gauche autour d'elle » : « rien de vivant ne sortirait de là ». Le moi n'est certes pas la seule inspiration de l'imagination, mais il en est la source principale ; et le reste vient généralement de l'environnement de l'artiste, demeurant donc lié au moi. [...]
[...] Puis nous évoquerons le rôle de l'imagination poétique, qui les explore inconsciemment et les exprime dans l'art. Le moi est en perpétuelle évolution, « se renouvelle sans cesse », si bien que lorsqu'on se rappelle la personne que l'on a été il y a des années, on la trouve parfois si différente de nous qu'elle nous semble autre. Cela est dû à une multitude de changements. Ils ont plusieurs causes : d'une part, « les circonstances », c'est-à-dire le monde extérieur, des évènements, les actions de nos proches, nous font évoluer. [...]
[...] Et quoi de mieux désigné que l'imagination pour accomplir cela ? L'imagination est une faculté mystérieuse, intermédiaire entre raison et sensibilité, conscience et subconscience, vérité et mensonge, clarté et illusion : elle est donc parfaite pour faire le pont entre tous nos moi plus ou moins enfouis. Sa polyvalence lui accorde une vue d'ensemble sur le moi ; en « [revenant] sur ses pas, [suivant] jusqu'au bout les directions entrevues », elle nous explore tout entier, nous connaît plus que nous-mêmes et révèle dans les personnages qu'elle crée à partir de nos « ébauches ou simples projets », en les associant ou au contraire en en exploitant un seul une version « plus complète », plus accomplie de nous-mêmes. [...]
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