Dans une lettre à son ami Paul Demeny écrite le 15 mai 1871, Arthur Rimbaud s'exclame "Je est un autre. [...] J'assiste à l'éclosion de ma pensée : je la regarde, je l'écoute.".
[...] Le sujet se forme : le est, à partir de cette étape, assez stable mais le "moi" évolue. L'homme est constitué par sa qualité de sujet, qui fait qu'il existe, qu'il parle ou qu'il pense et qu'ainsi, on le remarque, mais aussi d'un "moi". Celui-ci désigne l'individualité, la personnalité du sujet ou même le sujet pensant. Il constitue en quelque sorte l'identité de l'homme, qui est le caractère permanent et fondamental de celui-ci : l'identité réside sur des acquis de l'enfance et de son éducation mais aussi sur les expériences de toute une vie. [...]
[...] Ici, "Je est un autre" devient presque un cri d'alerte lancé par celui qui se rend compte que son sujet lui est totalement inconnu. La formule "Je est un autre." a été de nombreuses fois décortiquée pour interpréter ce qu'a vraiment voulu dire Rimbaud dans sa lettre. On peut aussi imaginer que cette phrase considérait l'"autre" comme l'"étranger" dans le sens où la nature humaine fait que nous sommes tous faits des mêmes éléments et que nous avons tous la même destinée mortelle. [...]
[...] Mais le sens d'"étranger" du mot "autre" permet d'établir une troisième hypothèse sur le sens de "Je est un autre". Si l'on considère l'"autre" comme quelque chose de totalement hermétique et étranger à soi, "Je est un autre" peut aussi s'interpréter comme une exclamation de la méconnaissance de soi. En effet, si Socrate proclame "Connais-toi toi-même.", c'est parce qu'il considère que la connaissance de soi est nécessaire pour établir un rapport avec le monde et avec ses contemporains. Sa théorie consiste à dire que si on trouve la force de s'auto-examiner pour être tranquille intérieurement, on peut être en harmonie avec soi-même et alors en harmonie avec ce qui nous entoure. [...]
[...] La construction de l'homme est si complexe qu'elle ne peut être la même pour deux individus différents : un même couple peut avoir des enfants qui adopteront des gênes différents et peut enseigner des choses différentes à leurs deux enfants. Le clonage humain n'étant pas encore possible, on peut affirmer qu'aucun homme n'est identique à un autre sur la surface de notre planète. Ainsi, la formation du sujet est telle qu'elle ne peut être semblable à une autre et chaque sujet est unique : le dépend des actions et le "moi" des expériences d'un homme, ce qui constitue trop de paramètres pour être égalés par un autre homme. [...]
[...] Ainsi, même si elles sont, au début de la vie consciente de l'homme, apparues simultanément, l'expression de soi et l'identité ne sont plus sur la même longueur d'ondes dans le cas présent. Tout en considérant que le mot "autre" est adjectif pour "une autre partie de soi", la phrase "Je est un autre." prend alors le sens de "Je est différent de moi.". La phrase "Je est un autre" prend toutefois un sens très différent si l'on considère l'"autre" comme quelqu'un distinct de moi, étranger. [...]
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