De Rerum Natura, diagnostic, paradoxe, impasse de l'amour, amour, méconnaissance, passion amoureuse, Lucrèce, Racine, Phèdre, physiologiste, lyrisme, aspect poétique, pathologie, désir sexuel, morale épicurienne, Épicure, concept psychanalytique, communauté, agressivité, Stendhal
Notre extrait, situé presque à la fin du chant IV, nous met en garde contre les affres de l'amour. Il va s'agir dans une fibre épicurienne de rationaliser la passion amoureuse, d'étudier froidement, avec rigueur et sans compassion, ses mécanismes, et ce pour la désamorcer. C'est en physiologiste que Lucrèce parlera de l'amour. S'il fallait caractériser le texte nous le classerions de par sa forme versifiée parmi les oeuvres poétiques, bien que sa teneur philosophique soit indubitable, puisque Lucrèce ne fait jamais que donner une traduction littéraire et plaisante des préceptes plutôt austères d'Épicure. Certaines images nous le verrons sont très fortes, l'emphase poétique est ici utilisée par l'auteur dans le but de nous détourner de l'amour, à rebours d'une certaine tradition littéraire qui, quant à elle, nous en vante les innombrables charmes et délices. Nous ne sommes pas ici dans un lyrisme de l'amour, ou alors dans un lyrisme du désenchantement. Le texte de Lucrèce s'inscrirait plutôt dans la lignée de la poésie élégiaque (étymologiquement l'élégie revoie à la plainte) de ces auteurs (Catulle, Ovide, Properce, Tibulle...) qui ont chanté la déception amoureuse et les souffrances qu'elle engendre : l'aimée nous manque, l'aimée nous a quitté, etc. L'aspect littéraire du texte ne fera pas en lui-même l'objet d'un commentaire au cours du développement, je prendrai le texte comme l'exposé d'une doctrine qu'il faut expliquer, dont il faut exhiber le cohérence interne, en laissant de côté sa nature poétique. Il n'y aura pas de remarques esthétiques ou formelles très développées, je ne reviendrai sur l'aspect poétique qu'en conclusion et de façon succincte.
[...] La passion amoureuse est inséparable d'un désir d'emprise, d'un désir de possession, d'une pulsion de mort dirigée contre l'objet que nous aimons. La passion est toujours placée sous le signe de l'ambivalence. De l'amour et de la haine c'est malheureusement la seconde qui risque de prendre le pas sur le premier. A l'inverse, un plaisir sans les sentiments est un plaisir pur, sans aucune ombre de souffrance, sans douleur qui vient s'y mêler. Une volupté exempte de sentiments c'est la garantie d'un plaisir pur de toute souffrance. [...]
[...] S'il y a bien un sens qui est particulièrement trompé dans l'illusion amoureuse c'est la vue ; nous parons en effet l'objet aimé de qualités, de charmes qu'il n'a pas, en particulier en ce qui concerne son physique, nous le trouvons excessivement beau, séduisant. Nous élaborons ce qu'il convient d'appeler un fantasme à partir de simulacres, nous construisons un nouvel être, chimérique, à partir de ces simulacres que nous recevons de l'être réel. Au point que nous allons jusqu'à transformer les défauts de l'aimé(e) en qualités, l'illusion est poussée à ce point que les valeurs sont renversées, inversées, ce qui est en temps normal, lorsque sommes lucides, déprécié, devient appréciable, séduisant, sans pareil. [...]
[...] C'est en physiologiste que Lucrèce parlera de l'amour. S'il fallait caractériser le texte nous le classerions de par sa forme versifiée parmi les ?uvres poétiques, bien que sa teneur philosophique soit indubitable, puisque Lucrèce ne fait jamais que donner une traduction littéraire et plaisante des préceptes plutôt austères d'Épicure. Certaines images nous le verrons sont très fortes, l'emphase poétique est ici utilisée par l'auteur dans le but de nous détourner de l'amour, à rebours d'une certaine tradition littéraire qui, quant à elle, nous en vante les innombrables charmes et délices. [...]
[...] Les corps sont séparés, mis à part quelques fluides on ne peut rien échanger. Les corps ne peuvent que s'entrechoquer, les atomes se toucher, se frotter. Nous ne pouvons posséder, nous accaparer les prétendues qualités physiques de l'autre, nous ne pouvons faire nôtre son corps ou quelconque de ses parties. C'est une considération physique au sens de la phusiologia qui permet de donner un sens philosophique à ce passage. Les corps des vivants, tout le temps que dure leur vie, ne se confondent pas, ils ne se dissolvent pas l'un dans l'autre. [...]
[...] J'ai découpé le texte en deux parties (signalées par le Dans la première partie Lucrèce caractérise la passion amoureuse comme une pathologie, usant à foison du registre médical, et nous délivre clairement sa prescription en tant que médecin de l'âme : « Fuyez l'amour ». Afin de nous prémunir contre ces maux d'amour, il opère une distinction, voire une opposition, entre plaisir sexuel et sentiment amoureux, le second gâcherait pour une large part le premier ; le moins que l'on puisse dire c'est que Lucrèce va ici à contre-courant de l'idée commune qui voudrait que plaisir et sentiment se trouvent intimement liés. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture