Ce texte de Jean Paul Sartre a pour thème la liberté du sujet, prisonnier d'un Etat totalitaire. Selon l'auteur, le totalitarisme ne saurait nous déposséder de notre liberté d'homme ; il est bien au contraire le révélateur de notre liberté essentielle. L'affirmation de cette thèse paradoxale, voire provocatrice, se comprend dès lors que l'on prend conscience que l'oppression nazie condamnait ses victimes à des choix cruciaux, c'est-à-dire à des libertés elles-mêmes cruciales.
Par conséquent, l'oppression politique ne manifeste rien d'autre que la possibilité, pour l'homme, de choix d'existences authentiquement libres. Cependant, cette affirmation d'une liberté absolument inaliénable ne va pas sans poser un certain nombre de difficultés. Certes, la réalité historique du choix de la résistance, de la collaboration (active ou passive), ou de la prudente neutralité semble confirmer le point de vue de l'auteur. Toutefois, la thèse sartrienne n'est-elle pas trop optimiste ? Ne limite-t-elle pas excessivement l'efficacité du conditionnement totalitaire nazi ? L'homme est-il toujours en effet le maître de ses pensées ? Et, donc de ses choix ?
[...] Etre un homme, c'est être une liberté, dans la mesure où une vie n'est humaine que si elle est libre. Or, être libre, c'est choisir; c'est opérer des choix d'existence. Et l'oppression nazie a condamné très précisément l'homme à des choix cruciaux et donc une liberté elle-même cruciale, c'est à dire nécessaire. Ou je faisais le choix de la soumission au déterminisme nazi, et je devenais volontairement en soi, un être objet dénué de conscience réflexive soumis à toutes les déterminations, ou je faisais le choix d'être un pour soi, une liberté essentielle. [...]
[...] L'homme est-il toujours en effet le maître de ses pensées? Et, donc de ses choix? Les données de la psychanalyse permettent d'en douter. quatrième moment : problématisation de la thèse. Première partie L'humanité n'a jamais été plus libre que sous l'occupation allemande affirme l'auteur: une thèse apparemment paradoxale et insupportable, parce que trop contraire à notre première façon de penser. Spontanément, en effet, nous considérons que la liberté individuelle dépend du pays dans lequel nous vivons, et la période historique à laquelle nous appartenons. [...]
[...] Transition Cette thèse de Sartre paraît, cependant, discutable. Certes, l'occupation a autorisé un certain nombre de choix parfaitement conscients. Cela vaut-il cependant pour tout le monde ? Le choix est-il toujours possible ? Les victimes du régime nazi pouvaient-elles échapper au cas de conscience, qui annule l'idée même de choix possible, et donc de liberté ? Deuxième partie Sartre ne dit pas que la situation historique n'exerce aucun poids sur l'individu. L'organisation du monde hic et nunc empêche évidemment l'être humain de pouvoir tout faire. [...]
[...] De fait, l'efficacité de la propagande et de la police nazies trouvait un écho favorable au sein de la population française. Mais, de fait également, en retour, chaque pensée juste chaque parole autonome, chacun de nos gestes démontraient à chacun la survivance de sa liberté de choix, de pensée. En définitive, cet embrigadement totalitaire n'a rien montré d'autre que la liberté nécessaire de l'être- homme, ou l'impossible conditionnement qui se manifeste aussi évidemment que par contraste, par exemple lors d'une entreprise de conditionnement total, ici le nazisme. [...]
[...] Dans Le choix de Sophie, en effet, W. Styron place Sophie dans un choix impossible: son fils, ou sa fille, ira à la chambre à gaz ; à elle de choisir lui ordonne l'officier allemand. Ici, le libre arbitre de Sartre revêt tout son caractère abstrait. Comment choisir, en effet, dans le cas de conscience ? Et comment, alors, exercer la liberté que Sartre revendique ? Par conséquent, la thèse de Sartre s'applique plutôt à ceux qui n'étaient pas directement persécutés, et qui, eux, pouvaient choisir en effet entre la collaboration et la résistance. [...]
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