De la recherche de la vérité, Malebranche, concept de l'être, existence effective, être infiniment parfait, corps infiniment parfait, contradiction, existence de Dieu, Descartes
Dans De la recherche de la vérité – titre qui ne peut que rappeler celui d'un dialogue cartésien –, Malebranche s'attache à l'étude de « l'esprit de l'homme tout entier » dans la perspective d'une « science de l'homme », et se propose notamment d'élucider ce qui l'expose à l'erreur tout autant que les moyens qui sont les siens pour parvenir à la connaissance de la vérité, c'est-à-dire pour s'unir autant qu'il lui est possible à Dieu. Le livre IV en particulier a pour objet les « inclinations » ou « mouvements naturels de l'esprit » et Malebranche, après avoir soutenu que « l'amour du plaisir nous empêche de découvrir la vérité », propose « quelques exemples », notamment métaphysiques.
[...] Pour réfuter la réfutation de l'argument cartésien dit ontologique, le point le plus essentiel dans l'argumentation de Malebranche, et le plus original, est peut-être celui ayant trait à l'indépendance de Dieu ; indépendance dont l'un des sens renvoie au fait que l'on conçoive évidemment que Dieu, en tant qu'infiniment parfait et donc indépendant, existerait effectivement indépendamment même de notre conception claire et distincte. Néanmoins, nous pensons que l'argumentation de Malebranche, bien qu'elle soit au plus haut point convaincante pour le peu que l'on accepte toutes ses prémisses, est problématique, dès lors que le premier axiome, selon lequel il faut attribuer à la chose ce que l'on conçoit évidemment être renfermé dans son idée, est remis en doute. [...]
[...] Ainsi, dans un premier axe, Malebranche soutient que l'argument dit ontologique, si l'on y remplaçait « l'être infiniment parfait » par « un corps infiniment parfait », ne vaudrait plus, c'est-à-dire que l'objection consistant à rajouter la clause « supposé qu'il existe » vaudrait dans un tel cas ; autrement dit, l'argument dit ontologique ne s'applique exclusivement qu'à l'être infiniment parfait, parce que l'idée d'un corps infiniment parfait est une fiction fausse et contradictoire - et cette thèse doit être éclairée. Analysons, pour ce faire, le début de notre extrait. L'argument prend d'ores et déjà la forme d'une concession : « J'avoue que, si . » (l.1). Soit le premier axiome malebranchiste : « On doit attribuer à une chose ce que l'on conçoit clairement être renfermé dans l'idée qui la représente » (l.1-3). [...]
[...] Et Descartes continuait : « L'existence possible est contenue dans le concept ou l'idée de toutes les choses que nous concevons clairement et distinctement », et qui par-là ne sont pas contradictoires, « mais [ . ] l'existence nécessaire n'est contenue que dans la seule idée de Dieu », en tant que lui seul est conçu comme infiniment parfait et donc aussi comme nécessairement existant ou étant, dès lors que l'existence est une perfection. - L'argument de Malebranche, cependant, diffère légèrement du cartésien, puisqu'aussi bien il s'agit de réfuter la réfutation de l'argument cartésien, et non simplement de le reproduire. [...]
[...] Anticipant les théories empiristes (jusques et y compris parce que l'extériorité du monde ne peut que faire l'objet d'une « foi »), Malebranche soutient un réalisme indirect : nous n'avons pas directement accès à l'objet du monde extérieur, mais y accédons seulement par le biais de l'idée que celui-ci, pour ainsi dire, imprime en nous. C'est ainsi qu'il faut comprendre que « l'idée [ . ] représente » une « chose » ; et ce que l'on conçoit clairement - c'est-à-dire ici aussi distinctement, aux sens susmentionnés - que l'idée renferme, doit être attribué à la chose non-idéelle qu'elle représente. Le sens d'un tel axiome étant désormais clair, nous pouvons en revenir à l'argument de Malebranche. Soit, donc, l'axiome susdit. [...]
[...] Descartes emploie justement le terme « fiction » dans la « Méditation troisième » : « Les sirènes, les hippogriffes et toutes les autres semblables chimères sont des fictions et inventions de mon esprit. » De telles idées sont bien composées : mi-poisson mi-femme, mi-cheval mi-aigle - et sont composées par l'imagination. Si celles-là peuvent être dites fausses, en tant que fictives, elles n'apparaissent pas nécessairement comme contradictoires : il n'y a aucune contradiction logique à imaginer une créature mi-aigle mi-cheval. [...]
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