La conscience de soi concerne en priorité le sujet où elle se manifeste. Une fois posée, comment peut-elle éviter le solipsisme, cette réduction du monde au seul sujet affirmant son existence? Descartes répond à la question par un détour métaphysique, qui met en lumière l'existence d'un Dieu non trompeur.
Mais ne peut-on concevoir une façon plus "économique" et plus directe d'accorder à autrui une existence de même nature que la mienne? C'est ce que propose Bertrand Russell dans ce texte, en affirmant que, si les faits de conscience en autrui ne sont pas directement accessibles, on peut néanmoins en admettre l'existence à partir de sa présence physique.
[...] [C. Autrui est d'abord un corps] Pour Russell, autrui est d'abord un corps perçu: puisque je ne suis pas là où je vois ce corps, c'est qu'il y a de l'autre. Et de ce corps dépendent un certain nombre de données nous parvenant: sa forme, sa taille, son allure, ses mouvements . Cela suppose que le corps de l'autre est reconnu sans attendre comme corps également humain, par rapide comparaison avec ce que je connais du mien: il me ressemble. [...]
[...] Elle peut être affirmée par analogie avec la mienne] La ressemblance des corps suscite l'affirmation, dans l'autre, d'une activité mentale de même nature que celle dont j'ai l'expérience. Il a donc un esprit animé de faits de conscience, et une conscience de soi. La démarche précise ce que Malebranche nommait conjecture : Nous conjecturons que les âmes des autres hommes sont de même espèce que la nôtre. Il 'est notable que ce repérage d'une ressemblance, non seulement physique, mais également mentale, paraisse - une fois effectuée la médiation par le corps - direct. [...]
[...] Et peut-être le recours au langage révélerait-il trop vite une ou des différences (après tout, nous pourrions aussi ne pas nous comprendre). Tout ce que mon expérience des processus présents dans mon esprit et l'analogie physique m'autorisent à imaginer», c'est que des processus sont également présents dans les autres, et donc qu'ils ont un esprit et une activité mentale. Russell glisse symptomatiquement, dans sa dernière phrase, de l'imagination au savoir, comme s'il s'agissait bien de confirmer la certitude avec laquelle on peut considérer qu'il y a chez les autres une activité mentale. [...]
[...] Ainsi, le soleil devient un élément présent dans ma conscience du moment. [B. Elle peut être conscience d'avoir conscience Mais Russell fait remarquer que la perception consciente s'accompagne souvent (pas nécessairement, donc) d'une conscience en quelque sorte au second degré: non seulement j'ai conscience de voir le soleil, mais j'ai aussi conscience de ma perception consciente. La conscience première et spontanée devient ainsi un objet pris dans une réflexion. Ce décalage n'implique pas un effort ou un travail mental particulier, puisque, de cet objet j'ai une expérience directe : on n'a pas à imaginer de médiation savante pour rendre compte d'une telle expérience, qui fait partie du fonctionnement normal de la conscience, en quelque sorte de ses capacités élémentaires. [...]
[...] RUSSELL, Problèmes de philosophie [Introduction] La conscience de soi concerne en priorité le sujet où elle se manifeste. Une fois posée, comment peut-elle éviter le solipsisme, cette réduction du monde au seul sujet affirmant son existence? Descartes répond à la question par un détour métaphysique, qui met en lumière l'existence d'un Dieu non trompeur. Mais ne peut-on concevoir une façon plus économique» et plus directe' d'accorder à autrui une existence de même nature que la mienne? C'est ce que propose Bertrand Russell dans ce texte, en affirmant que, si les faits de conscience en autrui ne sont pas directement accessibles, on peut néanmoins en admettre l'existence à partir de sa présence physique. [...]
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