L'homme chez Platon est fondamentalement multiple : composé d'une âme et d'un corps, sièges de facultés psychiques qui font de lui un être vivant à part – le désir, l'ardeur et l'intellect – mortel capable de concevoir l'immortel ; pour Platon, cette multiplicité humaine se redouble d'une vie nécessairement collective et en cité. L'anthropologie platonicienne ne pouvant se comprendre que dans le cadre d'une politique puisque, pour Platon, le mode de vie qui sied le mieux à cet être divers par excellence est équilibré. Le Timée l'affirme explicitement : « On suppose que l'être vivant s'il doit être bon et beau doit être bien équilibré » (87 c-d). Aussi, l'homme doit-il privilégier les activités favorisant l'équilibre entre l'âme et le corps et surtout entre les fonctions de l'âme et le corps.
Par ailleurs et peut-être surtout, l'homme est un animal terrestre qui a affaire à la vérité ; la recherche d'équilibre, favorisée notamment par la philosophie (mais pas seulement) le conduit à trouver un mode de vie à la mesure du rapport instauré en lui entre son âme et son corps : comment l'âme (et ses fonctions psychiques) va prendre soin du corps ? Est-ce à ce prix qu'elle atteindra le bonheur et le bien ?
Etre bon et beau nécessite-t-il d'être également juste et quel lien cette vertu peut-être entretenir avec le bonheur ?
[...] L'incapacité est-elle constitutive, contingente, de naissance ou bien seulement conjoncturelle? Cela nous invite à examiner, dans la suite du texte ce qu'il en est de cette nature forte qui donnerait accès à la satisfaction des désirs comme bonheur et échapperait à la masse des hommes. Le troisième moment du texte introduit la dimension politique de la proposition de Caliclès, il va nous permettre de cerner la nature dont il s'agit : pour tous les hommes qui, dès le départ, se trouvent dans la situation d'exercer le pouvoir pour ces hommes-là, désignés par la naissance, quoi de pire que la tempérance et la justice? [...]
[...] En cela, la prise de parole de Caliclès, dans ce dialogue où Platon le met en scène face à Socrate et sous le regard de plusieurs autres sophistes, a valeur de négation et a pour fonction de proposer un révélateur de sa philosophie. Un premier renversement est produit par Caliclès par rapport à la morale grecque et surtout concernant la philosophie positive de Platon : les vertus et la poursuite du bien doivent être au service de l'assouvissement des plaisirs qui définissent la vie heureuse. [...]
[...] Ici, Caliclès met à bat cette maîtrise en proposant d'inverser le rapport, ce qui était de l'ordre des vertus, associées au penser, doit être au service du pâtir, du plaisir et du désir. Pour Platon, faire le bien c'est s'améliorer soi-même et donc faire son bonheur. Comme il est dit dans le Gorgias , il est pire de commettre une injustice que de la subir (475a-d) : aussi, la satisfaction du seul plaisir, par tous les moyens possibles comme l'affirme Caliclès ne peut constituer le vrai bonheur. [...]
[...] Ces trois pans du bonheur, selon Caliclès, paraissent des rêves éveillés : naïfs, ils semblent à jamais inatteignables. Est-ce qu'un tyran, ou un groupe d'homme au pouvoir pourrait faire ce qu'il veut, prôner un total dérèglement et choisir la facilité de la vie? Par notre condition de mortel, ces ambitions sont d'emblée inaccessibles, ce qui réduit le niveau d'accessibilité et de généralité des propos de Caliclès même s'il énonce par là un secret désir de chacun et notamment de nombreux interlocuteurs de Socrate dans les dialogues de Platon, qui tentent d'inscrire leur réponse sur le beau et le bon dans des choses belles qu'ils pourraient désirer ou les avantager : comme Polos qui, dans le Gorgias a du mal à affirmer avec Socrate qu'il est pire de faire l'injustice que de la subir (475c). [...]
[...] Est-ce la vérité que poursuit réellement Caliclès en affirmant que les vertus de tempérance et de justice, le beau et le bon, la vie heureuse, ne sont qu'affaire de libéralité accessible à quelques-uns? Le quatrième et dernier temps argumentatif (à partir de la ligne 23) s'adresse directement à Socrate : Ecoute, Socrate, tu prétends que tu poursuis la vérité, eh bien, voici la vérité dit Caliclès. Socrate ici, à notre sens, est doublement visé : à titre historique comme victime de la tyrannie qui le condamna à boire la ciguë, et aussi comme accoucheur de la vérité des logois. Voyons en quoi. [...]
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