Petite philosophie du design, Vilèm Flusser, design, étymologie, machine, technique, habileté, savoir-faire, art, Renaissance
L'auteur montre que le terme « design » est au centre d'un réseau d'autres termes, dont il détaille l'étymologie. À travers l'étude de l'étymologie de tous ces termes, il cherche à montrer que la notion de « design » est au centre d'un réseau de notions, voisines par le sens. Chacun de ces termes éclaire sous un angle différent la notion de design, en reliant celle-ci à la ruse, au leurre, à la tromperie et à l'artifice. Vilém Flusser montre en réalité que le design, et tout ce qu'il charrie comme sens et comme connotations, est une manière de se poser, existentiellement, face à la vie et face au monde.
[...] Ulysse dupe les Troyens grâce à un cheval en bois pour que les Grecs s'emparent de la ville. « Technique » Vient du mot grec « technê » soit l'art et l'artifice, tous deux apparentés à un terme voisin, le « tektôn », c'est-à-dire le menuisier, celui qui travaille la matière (« hylè », terme désignant aussi bien le bois que la matière en général) pour lui donner une forme. « Art », « savoir-faire », « habileté », « astuce » L'équivalent latin de « technê » est le mot « ars », désignant le « savoir-faire », « l'habileté », « l'astuce ». [...]
[...] Grâce à la ruse du design, l'Homme peut tromper ses limites, surmonter les obstacles que lui oppose son environnement. Il acquiert ainsi du contrôle, de la puissance, et de la liberté : il domine la nature - la sienne propre et son environnement naturel - et la surpasse en créant des artifices - machines, mécanismes, dispositifs techniques de toutes sortes - qui lui permettront d'échapper à sa finitude. Le design est donc à la fois dessin et dessein : conception d'un artifice et volonté de tromper l'obstacle pour devenir plus libre et plus puissant. [...]
[...] Cette grande scission structure encore la culture bourgeoise, mais vers la fin du XIXème siècle, elle est devenue insoutenable, et la notion de design est justement venue combler cette brèche pour réunir l'art et la technique, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle culture. - Développez l'exemple du levier. Vilém Flusser prend l'exemple du levier pour illustrer la notion de design. Cette dernière fait corps avec celle de ruse. L'auteur emploie même le mot de « perfidie » (préfixe per- indiquant la transgression ou la déviation ; et « fides », la foi : celui qui transgresse la foi que l'on met en lui, qui dévie de la parole qu'il a donné). [...]
[...] Une machine vise donc à tromper : ce terme est connecté à la notion de ruse également. L'auteur remonte même à la racine indoeuropéenne « °magh » qui donne, dans les langues de la même famille, les termes liés à la puissance et au pouvoir. Il s'agit donc d'acquérir une puissance, un gain de pouvoir, par le biais d'un stratagème chargé de duper certains obstacles. Flusser l'illustre avec l'exemple du levier : le levier dupe l'obstacle qu'est la pesanteur pour mieux mouvoir les corps pesants. [...]
[...] Chacun de ces termes éclaire sous un angle différent la notion de design, en reliant celle-ci à la ruse, au leurre, à la tromperie et à l'artifice. Vilém Flusser montre en réalité que le design, et tout ce qu'il charrie comme sens et comme connotations, est une manière de se poser, existentiellement, face à la vie et face au monde. Face au monde, nous entretenons une attitude de designer : à la jonction de l'art et de la technique, nous remplissons notre vie d'artifices destinés à tromper notre nature et ses limites. [...]
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