Le texte que nous étudions est un extrait du premier des trois Discours sur la condition des grands, écrit par le moraliste, théologien et philosophe du XVIIe siècle, Blaise Pascal. Cet ouvrage fut publié en 1660. Les trois Discours sur la condition des grands, étaient destinés à un jeune homme de famille aristocratique. Pascal cherche à enseigner à la noblesse la juste conscience de sa nature, de ses droits, de son rôle tout en les invitant à la modestie et à la relativité.
Pascal illustre sa démonstration avec l'image d'un naufragé qui rejoint une île dont les habitants désespèrent de retrouver leur roi qui s'est perdu. Or, le naufragé se trouve avoir de nombreux aspects physiologiques communs avec ce roi est reconnu par le peuple comme tel.
Quelle est la grandeur la plus estimable ? Est-ce une grandeur d'établissement, définie par des lois instituées ? Ou bien est-ce une grandeur naturelle ?
[...] Pour ce faire, il s'attaque à leur orgueil : il s'imagine mériter l'estime par leurs seules richesses et par leur noblesse, reconnue par les institutions établies. Mais leur noblesse et leurs biens n'ont rien à voir avec leur mérite. Ils se réfèrent en effet, à la seule fantaisie des législateurs, le hasard, sans qu'il existe aucune sorte de relation avec leurs qualités naturelles. Dieu est le seul véritable maître de tous les biens. Il laisse aux hommes la liberté d'agir selon leur imagination, selon leur bon vouloir. [...]
[...] Il aurait pu se trouver mille occasions de dépenser leurs richesses, ce qui aurait conduit l'homme à ne recevoir rien. Dans les conditions où l'homme ne reçoit le droit de posséder les richesses de ses ancêtres que par le hasard, ce droit n'est pas issu de sa condition naturelle, d'une quelconque grandeur naturelle. Ce que cet homme possède, il le doit donc à l'institution qui a réglementé l'héritage, en fonction du bon plaisir, du tour d'imagination ou de ce qui a plu au législateur, c'est- à-dire, au temps de Pascal, le monarque absolu, et, éventuellement, le parlement qui est extrêmement influencé par le roi. [...]
[...] C'est par un hasard semblable que l'homme naufragé a reçu la condition de roi que l'homme se trouve maître de richesses. L'homme naufragé n'avait de commun avec le roi, qu'un critère physiologique ; il avait beaucoup de ressemblances de corps et de visage avec le roi ‘perdu'. Il n'aurait pas eu cette ressemblance, il n'aurait pas été reconnu comme roi du peuple dans lequel il par hasard, échoué. L'homme a reçu des biens qu'il possède de ses ancêtres. La condition des grands résulte d'un hasard tout à fait semblable à celui qui amène la condition du naufragé, reconnu comme ce qu'il n'est pas : le roi qui s'était perdu. [...]
[...] Si le respect se doit pour ces deux grandeurs antagonistes, l'estime ne se porte que sur une grandeur naturelle. Il est donc impossible aux grands de déduire leur valeur morale de leur grandeur établie, qui mérite peut-être un certain respect extérieur. Valeur morale qui mériterait l'estime pour ce qu'ils sont vraiment. [...]
[...] Il faut le respecter, dans sa forme et quel que soit son contenu, parce que les lois institutionnelles sont nécessaires. Par exemple, à un enfant qui demanderait : ‘Mais pourquoi l'aîné, et non pas le cadet ?' On répondrait que c'est parce que c'est établi ainsi. Cela nous amène donc à constater que les motifs pour lesquels on se trouve propriétaire de certaines richesses, ne sont non pas issus d'une raison naturelle, mais d'une décision, d'une volonté humaine. S'ils avaient établi une autre règle selon leur imagination, le même homme, devenu riche par une autre loi, aurait aussi bien pu se retrouver dénué de tous biens avec cette dernière, et il n'aurait pas eu à se plaindre de quoi que ce soit. [...]
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