Qui peut se vanter de n'avoir jamais menti par intérêt ? Pour éviter une punition, ou pour sembler meilleur que l'on est. Mais on se hâte généralement d'ajouter qu'on ne ment que rarement, sinon par exception.
Tout au contraire, Pascal s'attache ici à montrer que le mensonge et la dissimulation sont des attitudes constantes. Parce qu'elles satisfont l'intérêt de tout le monde, ce qui revient à considérer qu'elles sont essentielles au maintien de la vie sociale. Faut-il alors admettre l'existence d'une contradiction radicale entre cette hypocrisie et le souci de la vérité que l'on prétend avoir par ailleurs ? Sans doute, si l'on pense comme Pascal que le coeur l'emporte sur le rationnel.
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En commençant sa description du mensonge socialement utile par le plus haut degré de "bonne fortune", Pascal entend montrer que nul n'y échappe. Le prince est un homme comme les autres, mais il a évidemment davantage de pouvoir, c'est-à-dire qu'il peut aussi bien favoriser ceux qui l'entourent que leur nuire. L'intérêt des courtisans est donc de lui dire ce qu'il attend d'eux, c'est-à-dire ce qui lui fait plaisir. Or "dire la vérité est désavantageux à ceux qui la disent (...) parce qu'ils se font haïr". Sans doute la connaissance de la vérité qui le concerne serait-elle utile au prince, mais comme elle serait en revanche néfaste à ceux qui la lui auraient fournie, ces derniers se fardent bien de la formuler. Les courtisans n'ont en vue que leur intérêt, et les faveurs que peut leur distribuer le prince. En conséquence, ils lui masquent la vérité.
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Dire au prince quelque chose de désagréable alors que ce serait la vérité, c'est s'en faire un ennemi : on évite donc de tomber en disgrâce et de s'en "faire haïr" en ne lui disant que des choses agréables, ce qui est à son désavantage. Le prince, en raison même du niveau de sa "fortune", se trouve en quelque sorte condamné à ignorer les vérités qui lui seraient bénéfiques (...)
[...] On pourrait néanmoins s'interroger sur la cohérence de cette posture: si les relations sociales sont intégralement soumises à l'hypocrisie, comment garantir, alors qu'on s'adresse bien à des membres de cette société (et en rappelant que la publication posthume des Pensées n'est en rien due à une prudence de l'auteur), que le texte rédigé échappe à cette hypocrisie? Après tout, ne serait-il pas concevable que des lecteurs trouvent un certain plaisir ou leur intérêt à se voir ainsi traités de menteurs? Car si je mens en raison des inclinations naturelles de mon cœur, et si je le reconnais parce qu'un philosophe me le dit, ne serai-je pas ensuite capable de mentir encore mieux, et même avec bonne conscience puisque j'y serai définitivement entraîné? [...]
[...] Parce que leur affection peut être utile: En commençant sa description du mensonge socialement utile par le plus haut degré de bonne fortune Pascal entend montrer que nul n'y échappe. Le prince est un homme comme les autres, mais il a évidemment davantage de pouvoir, c'est-à-dire qu'il peut aussi bien favoriser ceux qui l'entourent que leur nuire. L'intérêt des courtisans est donc de lui dire ce qu'il attend d'eux, c'est-à-dire ce qui lui fait plaisir. Or dire la vérité est désavantageux à ceux qui la disent ( ) parce qu'ils se font hair Sans doute la connaissance de la vérité qui le concerne serait-elle utile au prince, mais comme elle serait en revanche néfaste à ceux qui la lui auraient fournie, ces derniers se fardent bien de la formuler. [...]
[...] Et cette lucidité, même si elle implique sans doute un point de vue critique, ne va pas jusqu'à suggérer les moyens par lesquels on pourrait échapper à la contradiction. AU point que le texte semble finalement admettre que les choses ne peuvent se passer autrement. Le cœur comme racine naturelle de l'intérêt: C'est parce que cette situation, aussi perverse qu'on voudra, trouve son origine dans une racine naturelle qui Est-ce que Pascal nomme le cœur Source de l'intérêt et de l'amour-propre qui exigent le mensonge, le cœur apparaît comme une constante de la nature humaine. [...]
[...] Du prince à l'homme du commun, la révélation de la vérité serait peu supportable, et elle entraînerait une multitude de querelles et de conflits sociaux. Le mensonge est ainsi plus qu'un lien ou ce qui permet les relations: il assure, non seulement la possibilité et la constante des relations, mais bien une sorte d'entente pacifique entre les individus. EN ne voulant ni entendre la vérité ni la dire, on sauve les apparences, et ces dernières semblent avoir plus de prix que la vérité de chacun ou son être. [...]
[...] Il ne peut donc que dire ce que j'attends de lui, des paroles qui, même si elles ne me flattent pas directement, m'encouragent à demeurer tel que je suis. Et ce n'est qu'en mon absence qu'il peut être sincère à mon propos, lorsqu'il parle sans passion si j'étais au courant de ce qu'il dit alors de moi, notre amitié ne survivrait pas. Apprendre la vérité serait destructeur: L'amitié ne serait pas la seule à être détruite si l'individu apprenait ce que l'on dit à son sujet en son absence. [...]
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