Ce texte est un extrait du paragraphe 72 des notes qui constituent les Pensées de Pascal. Il s'agit de l'ordre de l'édition Brunschwig, 199 indiquant le numéro de page du manuscrit, et d'autres numérotations sont possibles pour cet extrait, 185 ou 230 par exemple.
Intitulé « disproportion de l'homme », ce chapitre appartient à l'ensemble réuni sous le titre « Misère de l'homme sans Dieu ». Les pensées précédentes ont évoqué le divertissement que l'homme recherche à toute force, et nous avons ici l'explication de cette attitude: l'homme tente d'échapper à la misère de sa condition, laquelle est due à sa situation dans l'univers. Car placé dans une position inconfortable entre l'infiniment grand et l'infiniment petit, sa situation est effrayante et génératrice d'angoisse si l'on s'en tient à cette autre parole de Pascal: « le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie ».
[...] Cet extrait s'attache donc à évoquer l'infiniment grand. Cependant l'homme est toujours présent : il ouvre et clôt le passage. Il s'agit donc de le convier à un face-à-face et Pascal tente du mieux possible de l'impliquer, en réduisant la place du philosophe et surtout du théologien. Car ce texte est une invitation : l'argumentation visant à convaincre se double d'un processus de persuasion perceptible dans le lyrisme du style. De même que le thème abordé repose sur une opposition, à savoir la finitude de l'homme face à l'infini de l'univers, de même l'auteur se dédouble en un savant au raisonnement logique comme en atteste la progression de la dialectique et un écrivain à la prose poétique et rythmée, chez qui prédomine l'épanchement révélant son angoisse, sa sensibilité et sa foi, comme le montrent l'attention à la phrase, à l'ordre des mots, ou les métaphores par exemple. [...]
[...] Le premier paragraphe de notre extrait est donc constitué de cinq injonctions, autour du motif de la vue. Modalité et style convient ainsi l'homme de façon pressante à sortir de sa misérable condition pour observer l'infiniment grand, lequel se déploie progressivement au cours d'une période très poétique, grâce au rythme, aux figures et aux assonances. Cette ampleur que prend peu à peu le discours peut également se lire dans le lexique, qui s'ouvre sur l'homme et les objets bas pour ensuite évoquer le Soleil et la terre et enfin les astres le vaste tour et le firmament On s'approche progressivement de l'infiniment grand. [...]
[...] Là encore, Pascal se fait mathématicien (puisqu'il évoque les coniques) pour donner davantage de rigueur à son raisonnement qu'il structure également à l'aide d'une troisième grande antithèse. Mais ce développement trouve son aboutissement en Dieu, cette apparition étant préparée par le participe passé mise de la deuxième phrase et à ce titre les Pensées se rapprochent bel et bien du titre qui avait sans doute été pressenti par Pascal pour son ouvrage, à savoir Apologie de la religion chrétienne. La présence d'un dieu est affirmée à travers l'adjectif sensible lequel fait office de preuve, et ce Dieu est présenté comme étant vainqueur de l'imagination. [...]
[...] Cette position de l'homme rappelle le livre II des Essais de Montaigne où l'on peut lire, au chapitre 12 intitulé Apologie de Raimond Sebond : Est-il possible de rien imaginer si ridicule que cette misérable et chétive créature, qui n'est pas seulement maîtresse de soi, exposée aux offenses de toutes choses, se dise maîtresse et emperière de l'univers, duquel il n'est pas en sa puissance de connaître la moindre partie, tant s'en faut de la commander L'objectif profond du texte est donc de montrer la faiblesse de la condition humaine quand l'homme refuse la présence de Dieu. Pascal s'attache ainsi à rabaisser l'orgueil des hommes, afin de les rendre à Dieu. [...]
[...] Au terme de nombreuses évocations hyperboliques, apparaissent enfin les mots essentiels du développement, à savoir infini et Dieu et l'infiniment grand est déjà assimilé à Dieu. Ce paragraphe est donc hautement révélateur des objectifs de Pascal rendre l'homme à Dieu et des moyens mis en œuvre pour ce faire : convaincre ressortit au savant (le mathématicien, le physicien) dont le raisonnement procède de la logique (articulation à l'aide de connecteurs tels que mais et enfin progression thématique et structuration par antithèses) et persuader à l'écrivain qui se veut poète lyrique, comme en attestent les envolées, les figures et le rythme. [...]
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