Kant pose ici le problème du passage de la minorité à la majorité, c'est-à-dire le problème de l'accès à la liberté. Il y a problème dans la mesure où l'homme doit devenir libre, or il refuse fréquemment cette “autonomie” que ses dispositions naturelles lui permettent pourtant.
La thèse de l'auteur est qu'il est non seulement souhaitable, mais également possible d'être libre, en se libérant de la tutelle. Mais il faut pouvoir prendre conscience du système de la domination. Contre les mauvais tuteurs qui exagèrent les dangers du passage à la liberté, Kant affirme qu'il faut prendre et assumer les risques nécessairement liés à l'exercice de la liberté: les hommes, “après quelques chutes apprendraient bien à marcher”, encore faut- il en faire l'essai. A quelles conditions cet essai peut-il avoir lieu?
[...] En effet, pour être capable d'une réponse (telle est l'étymologie de responsable) il faut être l'auteur de ses actes et de ses pensées. Lorsqu'on est sous l'autorité de quelqu'un d'autre, c'est lui l' (de la même famille que “autorité”) de nos pensées et de nos actes. La domination des “tuteurs” est donc voulue par les on conçoit de cette façon que la domination est un système: les uns veulent être dominés et les autres veulent dominer, il n'y a pas d'un côté les “méchants” dominants et de l'autre les “pauvres” victimes! La Boétie parlait déjà de “servitude volontaire”. [...]
[...] Kant a donc formulé une condition fondamentale pour mûrir, devenir véritablement adulte, majeur, c'est d'obtenir des droits, une majorité juridique par laquelle on pourra avoir des occasions d'agir par nous-mêmes, ce que nous ne ferons pas si nous restons protégés dans protégés et irresponsables, passifs, infantilisés. “Très aimablement” a une valeur ironique: il n'y a nulle amabilité à “rendre les autres et à les effrayer pour les tenir enfermés dans l'ignorance et la passivité ! L'ironie vient de ce que l'auteur feint d'utiliser le discours des “tuteurs” : ceux-ci veulent apparaître comme aimables, ils rendent service, ils se dévouent ! Ils veulent le bien des autres ! [...]
[...] On juge qu'un peuple n'est pas assez mûr, qu'il faut lui imposer une loi de ce fait là. Et lorsque la décolonisation se passe mal, on prétend voir là la preuve que la domination était justifiée, alors que l'apprentissage de la démocratie est long: entre la Révolution française et la cinquième République, il y a eu “quelques chutes”! Les peuples, en acquérant leur indépendance, vis-à-vis d'un despote ou d'un peuple colonisateur mettent un certain temps à progresser vers des formes démocratiques, est-ce un argument pour dire que la démocratie n'est pas pour eux? [...]
[...] le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle est la devise des Lumières.” écrit Kant. L'humanité doit se libérer de la tutelle qui l'empêche de devenir ce qu'elle doit être. La liberté, sur le plan individuel, comme sur le plan historique, n'advient que dans un processus de libération qui exige la critique du tutorat paternaliste asservissant sous le prétexte du bien. Il ne s'agit pas de nier l'autorité, il s'agit de savoir qu'il est toujours possible qu'elle soit abusive : la réflexion critique doit être vigilante. [...]
[...] Légitimité fondée sur le besoin, et donc sur la nature. On mesure bien la différence: le tuteur légitime travaille, normalement, à éduquer le mineur c'est-à-dire à lui apprendre à être libre, à pouvoir se passer de lui un jour! Il travaille en réalité à sa propre disparition en tant que tuteur! Tout au contraire, le “mauvais” tuteur travaille à maintenir l'autre dans la minorité, de façon à prétendre justifier son pouvoir et donc à le conserver. Examinons le sens des exemples pris par l'auteur: j'ai un livre qui me tient lieu d'entendement” . [...]
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