Le non-dit théâtral, Anne Ubersfeld, genre littéraire, jeu des apartés, L’Implicite, théâtre de l’absurde, didascalies
Anne Ubersfeld, dans le tome III de Lire le théâtre, débute son chapitre consacré au non-dit en rappelant que « la caractéristique du non-dit au théâtre est d'être dit, mais c'est un dire implicite ». Ainsi, elle met en lumière un paradoxe : le non-dit a un rôle primordial au théâtre, or il s'agit du genre littéraire le plus oral qui soit. En effet au théâtre, on considère souvent que rien ne peut être tu au spectateur, qui est le seul à avoir une vue d'ensemble sur l'espace scénique. On pense par exemple au jeu des apartés qui trompe les personnages entre eux mais ne trompe en aucun cas le spectateur
[...] Il est donc dans l'absolu omniprésent au théâtre. On peut ainsi se demander quels sont les différents moyens par lesquels les dramaturges peuvent recourir au non-dit afin de donner une plus grande ampleur à la valeur de leurs énoncés. Tout d'abord, les dramaturges ont la possibilité de recourir à un certain renversement du présupposé, ce qui, par effet comique, interloque le spectateur, qui est déstabilisé par une situation de non-sens, une situation fondamentalement absurde. Le théâtre de l'absurde, justement, passe son temps à jouer avec les présupposés, et c'est d'ailleurs là sa force. [...]
[...] Ce qu'on pourrait appeler PRINCIPE DE COOPÉRATION (cooperative principle) Pour lui, la conversation dans la vie de tous les jours est régie par diverses lois, qui sont au nombre de quatre : les principes de quantité (c'est-à-dire le fait de donner ni trop ni trop peu d'informations par rapport à ce qui est requis dans un énoncé), de qualité (le fait de ne rien affirmer d'erroné), de relation (le fait de parler à propos) et de modalité (être clair, sans parler avec obscurité ou ambiguïté). On envisage que ces lois conversationnelles sont centrales au théâtre puisque les dramaturges les enrayent et c'est ce jeu qui porte l'intérêt du non-dit, de la violation herméneutique des lois. Anne Ubersfeld écrit que Le rire et le comique ont fréquemment pour origine le viol des lois conversationnelles. La rupture communicationnelle vise donc un effet comique, mais le comique n'a pas pour seule vocation le rire, il permet de faire émerger une réflexion chez le spectateur. [...]
[...] Le non-dit peut ainsi constituer une critique de la société et du monde. Enfin, le théâtre comportant des emplois du non-dit permet, plus largement qu'une critique du monde et de son incohérence, une critique plus existentialiste, une analyse plus axée sur la dérision vis-à-vis de l'homme. En effet, à la fin de Huis clos de Jean-Paul Sartre, Inès rit de sa propre mort, de son inconsistance, tout en jouant avec le présupposé, puisqu'elle dit elle-même être morte, ce qui, en soi est impossible : INES, se débattant et riant. [...]
[...] On peut assimiler la notion de présupposé d'incertitude qu'elle définit à celle de pacte de lecture. Le lecteur d'un roman sait dès le début qu'il s'agit d'une fiction, mais il se laisse plonger dans la trame narrative sans opposer une quelconque résistance. Au théâtre, le spectateur sait pertinemment que ce qu'il s'apprête à voir est une mise en scène, que ce qui est dit est potentiellement faux, et que les paroles performatives des acteurs (par exemple Je me meurs, je suis mort, je suis enterré prononcé par Harpagon[6]) ne le sont en aucun cas dans la vie réelle. [...]
[...] Enfin, on s'intéressera à l'effet produit par ce non-dit immiscé dans la conversation, dans l'échange mis en scène, en se penchant particulièrement sur ce que le théâtre dit de l'absurde en fait pour transmettre son idéologie. Tout d'abord, Anne Ubersfeld définit le non-dit au théâtre selon trois axes, à commencer par les conditions d'énonciation qui sont primordiales au sens où chacun des énoncés ne prend sens que du contexte c'est-à- dire que c'est le contexte et les conditions d'énonciation dans lequel le discours est produit qui octroie son sens et sa valeur à un énoncé. [...]
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