De Natura Rerum, quatrième chant, Lucrèce, Ier siècle av. J.-C., critiques des sens, Epicure, matérialisme, substance métaphysique, transcendance, mauvais jugement, Socrate, Protagoras, commentaire de texte
Le texte ici présenté est un extrait de "De Natura Rerum", un poème philosophique résumant les thèses d'Épicure, seule oeuvre de Lucrèce. Lucrèce est un philosophe et poète latin du premier siècle avant notre ère qui a traduit les textes de son maître Épicure pour ses contemporains, des traductions qui par ailleurs constituent les principaux restes écrits de la philosophie de son modèle. Il a hérité du matérialisme de son maître : pour lui, il n'existe point de substance métaphysique, et toute chose est intégralement constituée de matière. Il réfute viscéralement toute autre conception transcendante ; tout serait purement physique, mécanique. Dans ce passage, il étudie un sujet majeur du matérialisme : les sens.
[...] Il l'est aussi, car à parler sans jamais affirmer comme les sceptiques, le débat ne peut se clore. Mais même en ignorant ces contradictions, Lucrèce voit un autre problème dans cette philosophie. Selon lui, le critère de vérité est intrinsèque à la vérité. Pour savoir ce qu'est la vérité, il faut l'expérimenter, c'est à dire avoir déjà connu quelque chose de vrai. Mais si ces derniers affirment hésiter sans cesse entre le vrai et le faux, c'est qu'ils en ont les notions et donc qu'ils ont déjà expérimenté la vérité. [...]
[...] Nous avons vu dans cette première partie que Lucrèce évitait les contre- exemples où les sens sont trompeurs en détournant l'origine de l'erreur qui provient en fait de la raison. Cependant, un obstacle majeur vient se dresser contre sa thèse et repose dans la philosophie des sceptiques : ils affirment qu'il n'est point possible de connaître quoi que ce soit. En n'affirmant l'impossibilité de n'accéder à la vérité par aucun moyen, ils suggèrent ainsi que les sens sont trompeurs, car ils donneraient une idée incertaine du réel, ce que Lucrèce va contester comme nous le montrerons dans la partie suivante. [...]
[...] Lucrèce use d'une logique puissante pour décrédibiliser les sceptiques et soutenir sa thèse de manière théorique, mais a aussi recours à des arguments éthiques et pratiques. Lucrèce utilise exemples et analogies pour servir ses arguments, ce qui ajoute à la valeur démonstrative du texte et ancre la philosophie épicurienne dans le réel. Ce passage dans l'œuvre de Lucrèce est essentiel pour soutenir sa philosophie naturaliste qui se refuse à accepter le divin pour expliquer l'homme. Il est essentiel également pour établir une vérité sur laquelle se baser et développer sa philosophie. [...]
[...] De cette manière, Lucrèce réfute toute objection possible par le contre-exemple. Quiconque montrera une incohérence des sens, se verra dire que c'est parce que sa raison n'est pas assez puissante qu'il soutient ce fait. Le mot carence renvoie au manque d'une chose vitale, et en effet, « la vie elle-même périrait, si perdant confiance en nos sens, nous renoncions à éviter les précipices et tout autre péril, ou à suivre ce qu'il est bon de suivre. » Ce passage fait référence à Pyrrhon, un des premiers philosophes sceptiques, qui refusait d'éviter les précipices, doutant de leur réelle existence, car il ne se fiait pas à ses sens. [...]
[...] Ce thème est essentiel pour valider l'idée selon laquelle tout est fait de matière. En effet, si les sens sont trompeurs, c'est qu'il existe une chose en amont, immatérielle, dans l'interaction sens-réalité qui suppose du divin, pareil s'il existe une réalité innée extérieure aux sens, comme la raison toute puissante. Lucrèce, qui veut rappeler que l'homme ne résulte que de phénomènes naturels, s'attache ainsi à montrer que les sens sont infaillibles, au fondement même de la connaissance. Comment Lucrèce réussit-il à contrer les critiques faites aux sens ? [...]
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