Aux XVIIe-XVIIIe siècles, les histoires des idées ou des sciences donnent plus d'ampleur et de précision aux sciences de la vie.
a) Causes :
1. Privilèges nouveaux de l'observation : on lui attribue de nouveaux pouvoirs depuis Bacon et elle profite de perfectionnements techniques (microscope).
2. Nouveau prestige des sciences physiques : le mécanisme cartésien (expérimentation et théorie) conduit de la rationalité mécanique à la découverte de la rationalité du vivant (avant d'en devenir un obstacle).
3. Attentions diverses : intérêt économique, agronomie, curiosité pour la faune et la flore exotiques, valorisation éthique de la nature (Rousseau herborise). (...)
La possibilité de l'histoire naturelle (Ray, Jonston, Christophe Knaut) est contemporaine du cartésianisme. "La même épistémè a autorisé et la mécanique depuis Descartes jusqu'à d'Alembert et l'histoire naturelle de Tournefort à Daubenton." Pour qu'elle apparaisse, il a fallu que l'Histoire devienne naturelle. Date repère : 1657, Histoire naturelle des Quadrupèdes de Jonston. Jusqu'à Aldrovandi, l'Histoire était le tissu inextricable et parfaitement unitaire de ce qu'on voit des choses et de tous les signes qui ont été découverts en elles ou déposés sur elles. C'est-à-dire que la tripartition de l'Observation, du Document, et de la Fable n'existait pas : les signes faisaient partie des choses, tandis qu'au XVIIe siècle, ils deviennent des modes de la représentation.
Ainsi, une distance s'ouvre entre les choses et les mots d'Aldrovandi à Jonston, dans laquelle l'histoire naturelle trouve son lieu. L'histoire naturelle est l'espace ouvert dans la représentation par une analyse qui anticipe sur la possibilité de nommer (c'est la possibilité de voir ce qu'on pourra dire). Cf. l'ordre descriptif de Linné : "nom, théorie, genre, espèce, attributs, usage, Litteraria". Tout le langage déposé par le temps sur les choses est repoussé en dernière limite, comme un supplément où le discours se raconterait lui-même. Avant ce langage du langage, c'est la chose elle-même qui apparaît. L'instauration d'une science naturelle à l'âge classique est une formation distincte, bien que liée (par corrélation et simultanéité) à la théorie générale des signes et au projet de mathesis universelle (...)
[...] Le temps fait apparaître les unes après les autres toutes les cases qui, ensembles, formeront le réseau continu des espèces. Benoît de Maillet : Les changements dans les conditions de vie des êtres vivants semblent entraîner l'apparition d'espèces nouvelles, comme dans certaines formes de l'évolutionnisme, mais les éléments extérieurs n'interviennent qu'à titre d'occasion pour faire apparaître un caractère. Le mode d'action des éléments n'est pas celui d'un milieu sur une fonction et sur les organes qui l'accomplissent. Le quasi-évolutionnisme du XVIIIe siècle semble illusoirement présager la variation spontanée du caractère (cf. Darwin) et l'action positive du milieu (cf. [...]
[...] En limitant et en filtrant le visible, la structure lui permet de se transcrire dans le déroulement linéaire du langage. (Cf. les rêves de calligrammes botaniques de Linné : le livre devient l'herbier des structures). La description est la mise en série, éléments après éléments, de la représentation. L'historie naturelle est une langue, mais fondée et bien faite : son déroulement propositionnel est de plein droit une articulation ; la mise en série linéaire des éléments découpe la représentation sur un mode qui est évident et universel Entrée de la prolifération des êtres dans le champ d'une mathesis. [...]
[...] On peut établir entre les êtres des identités et des différences. (Adanson estimait que la botanique pourrait être traitée un jour comme une science rigoureusement mathématique). Au XVIIe et au XVIIIe, l'anatomie a perdu le rôle recteur qu'elle avait à la Renaissance et qu'elle retrouvera à l'époque de Cuvier. La disposition fondamentale du visible et de l'énonçable ne passe plus par l'épaisseur du corps, de là la préséance épistémologique de la botanique. Mais ce n'est pas parce qu'on s'est intéressé à elle au XVIIe et au XVIIIe qu'on a porté l'examen sur les méthodes de classification. [...]
[...] Linné la définit par un caractère chargé et complexe (avec comme critère la naissance, la nutrition, le vieillissement, la mort etc.). La coupure entre le vivant et le non vivant n'est jamais un problème décisif, et pour Linné, le naturaliste est l'homme du visible structuré et de la dénomination caractéristique, non de la vie. L'histoire naturelle n'est pas une philosophie de la vie, mais elle est entrecroisée avec une théorie des mots. Elle se loge tout entière dans l'espace du langage, puisqu'elle est essentiellement un usage concerté des noms, et qu'elle a pour fin de donner aux choses leur vraie dénomination. [...]
[...] Cependant cette pensée a pour propos le tableau des identités et des différences à la série des événements successifs, ce qui diffère de ce qu'est l'évolution aujourd'hui. Pour l'unité de ce tableau, elle a deux moyens : Un quasi-évolutionnisme 1. Une classification généralisée. Bonnet : l'"évolution" est le déplacement solidaire et général de l'échelle depuis le premier jusqu'au dernier de ses éléments : toute la trame ininterrompue des êtres ne cesse de s'avancer vers une plus grande perfection : "Il y aura des Newton parmi les singes et des Vauban parmi les castors." Mais il ne fait que généraliser le principe de continuité et la loi qui veut que les êtres forment une nappe sans interruption. [...]
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