Montaigne, Qui est le barbare, peuplades amazoniennes, naïveté originelle, âge d'or, relativité fondamentale des moeurs
La découverte des nouvelles terres depuis la fin du XVe siècle constitua bien sûr un choc considérable, non seulement en modifiant l'image de la terre, mais en mettant brutalement en contact avec de nouvelles populations. Comment envisager ces hommes des Amériques ? Ce n'est pas le terme de « sauvage » qui vient sous la plume de Montaigne, mais celui de « barbare », pour une raison simple : c'est en grande partie à travers le prisme de la culture antique qu'il va réfléchir à la rencontre d'hommes différents par les mœurs, le langage, la religion, etc.
[...] Contrairement aux Romains, en effet, les habitants du Nouveau Monde sont d'abord pour Montaigne des hommes plus naturels que nous : Ces nations me semblent donc ainsi barbares, pour avoir reçu fort peu de façon de l'esprit humain, et être encore fort voisines de leur naïveté originelle. Or, on trouverait aisément chez des auteurs grecs ou latins cette figure d'une vie naturelle plus pure, car plus proche de l'âge d'or. La cité idéale de Platon est du coup une figure artificielle de la vertu, comparée à cette simplicité. [...]
[...] Mais un autre grand lecteur de Montaigne, Pascal, fera une lecture critique de ce regard du chef sauvage sur la politique et la société françaises. Un des grands thèmes des Pensées (1670) est en effet que l'absurdité apparente de l'appareil politique extérieur dissimule une profonde sagesse : il faut agir sur les imaginations pour ne pas dévoiler la réalité du pouvoir politique, qui est la puissance pure. En effet, si le politique est réduit à la force, on risque le pur affrontement des forces, ce que Pascal appelle la guerre civile Dans une autre optique, certains anthropologues ont montré comment l'organisation des petites sociétés primitives, en rendant impossible la constitution d'une classe ou d'une caste supérieure, était un rempart à l'édification de l'État, source d'oppression et d'inégalités. [...]
[...] Mais, contrairement à Montaigne, ce n'est pas à la nature que Clastres renvoie, mais à une intelligence profonde des conditions de l'égalité. Reste que le point de vue proprement moral du texte reste un sujet de méditation essentielle après un siècle de barbarie au nom d'une certaine idée de humanité Ce qui a conduit Claude Lévi-Strauss, dans une formule qui est un hommage évident à Montaigne, à définir le barbare comme l'homme qui croit à la barbarie (Race et histoire, 1961). [...]
[...] COMMENTAIRE Barbare? La découverte des nouvelles terres depuis la fin du XVe siècle constitua bien sûr un choc considérable, non seulement en modifiant l'image de la terre, mais en mettant brutalement en contact avec de nouvelles populations. Comment envisager ces hommes des Amériques ? Ce n'est pas le terme de sauvage qui vient sous la plume de Montaigne, mais celui de barbare pour une raison simple : c'est en grande partie à travers le prisme de la culture antique qu'il va réfléchir à la rencontre d'hommes différents par les mœurs, le langage, la religion, etc. [...]
[...] Mais, par contrecoup, ce n'est pas seulement le caractère artificiel de la société et de la cour qui apparaît, mais bien leur violence et leur absurdité profondes. Les honneurs dus au chef barbare, s'ils nous paraissent dérisoires, sont en vérité fondés sur la réalité de l'espace et de la société, et ne correspondent pas à une organisation inégalitaire fondamentale de celle-ci. Ce texte moral est donc bien un grand texte politique, dont la leçon est d'autant plus forte que Montaigne est lui-même partie prenante de ce monde : non seulement par ses fonctions à Bordeaux, mais comme proche de plusieurs rois, ami d'Henri de Navarre (le futur Henri homme de cour autant que de livres. [...]
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