Michel Foucault et les formations discursives

Résumé du document

Dans ce chapitre de L'archéologie du savoir, Foucault nous propose un nouvel objet et une nouvelle direction à suivre pour écrire l'histoire des idées et l'histoire des sciences. Après avoir fait état de ses hypothèses et de ses doutes, il met en place un travail réflexif sur ses propres avancées et en établit les principales limites. Cette auto critique radicale va nous amener progressivement à ce nouvel objet que Foucault se propose d'étudier : les formations discursives. Il ne s'agit pas pour lui d'en rester au discours, ni à l'unité ininterrogée des divers champs du savoir. Ce qui est pertinent selon lui dans l'analyse, c'est le système de dispersion qui innervent ces discours. Mais il apparaît très vite un « péril » éminemment problématique : une telle analyse risque de dissoudre les discours et semble se présenter comme le symptôme d'une crise majeure de la pensée occidentale

Extraits

[...] Au lieu de reconstituer des chaînes d'inférence (comme le font traditionnellement les historiens des sciences et les philosophes) ou des tables de différences (comme le font les linguistes), il faut décrire les systèmes de dispersion des énoncés. Qu'est-ce qu'une formation discursive ? Une formation discursive est la description d'un système de dispersion entre un certain nombre d'énoncés, c'est-à-dire la mise au jour d'une régularité (un ordre, des corrélations, des positions et des fonctionnements, des transformations) entre les objets, les types d'énonciation, les concepts, les choix thématiques. Le terme de formation discursive est amené à remplacer les mots un peu trop connotés de science, d'idéologie, de théorie ou de domaine d'objectivité. [...]

[...] Une formation discursive est structurée par ce que Foucault appelle des règles de formation. Ce sont les conditions auxquelles sont soumis les éléments de cette répartition (objets, modalité d'énonciation, concepts, choix thématiques). Ces règles sont des conditions d'existence, mais aussi de coexistence, de maintien, de modification et de disparition des énoncés dans une répartition discursive donnée. IV. Trois risques et un péril Trois risques majeurs Il existe cependant trois risques majeurs à l'entreprise d'une telle analyse : une dissolution des unités traditionnelles (la médecine, la biologie, etc.), une remise en cause de leur critère de scientificité et une disparition des manières traditionnelles de penser et de faire l'histoire des sciences. [...]

[...] Foucault constate donc un regroupement rétrospectif par lequel les sciences contemporaines se font illusion sur leur propre passé. On n'a pas affaire à des formes instaurées une fois pour toute qui ne feraient ensuite que se développer à travers le temps. Au sein de ces ruptures, on peut faire une histoire verticale et retrouver différentes unités, ce que Foucault appelle dans Les mots et les choses : l'épistémè[1]. Le problème va être à présent de savoir quels sont les liens que l'on peut reconnaître entre les différentes unités d'une même époque. [...]

[...] Ce n'est pas sur un type défini et normatif d'énonciation, parce que les niveaux de formulations sont trop différents pour pouvoir composer une figure unique. Ce n'est pas non plus sur un alphabet bien défini de notions, car on se trouve en présence de concepts qui diffèrent par la structure et les règles d'utilisation : ils ne peuvent pas entrer dans l'unité d'une architecture logique. Enfin ce n'est pas sur la permanence d'une thématique, parce qu'on se trouve face à des stratégies diverses qui permettent soit l'activation de thèmes incompatibles, soit l'investissement d'un même thème dans des ensembles différents. [...]

[...] En conséquence, ce serait apparemment une erreur de chercher dans l'existence de ces thèmes, les principes d'individualisation d'un discours. Il faudrait plutôt les chercher dans la dispersion des points que ce jeu conceptuel unique laisse libre. Ce jeu conceptuel ouvre différentes possibilités de ranimer des thèmes déjà existants et de susciter des stratégies opposées. Au lieu de rechercher la permanence de thèmes, des images ou des opinions à travers le temps, il vaut mieux repérer la dispersion des choix et définir un champ de possibilités stratégiques en se déprenant de toute préférence thématique. III. [...]