Mépris, Spinoza, L'Ethique, Descartes, Traité des passions, Court traité, inclination de l'âme, tristesse, haine, admiration, estime de soi, prise de conscience, servitude de l'homme, théorie cartésienne, conceptualisation spinoziste
Nous avons choisi de comparer la théorie cartésienne et la théorie spinoziste du mépris. Notons d'emblée que par "mépris", nous entendons chez Spinoza despectus et non contemptus, suivant en cela la traduction de B. Pautrat que nous utilisons, et contrairement à Ch. Appuhn qui traduit par "mésestime" et à P. Macherey qui traduit par "dépréciation". A noter toutefois que dans le "Court traité", Ch. Appuhn traduit despectus par mépris. Il déclare d'ailleurs suivre la terminologie de Descartes empruntée au "Traité des passions" dans le chapitre VIII relatif à l'estime et au mépris. Notre étude s'appuie sur le "Traité des passions" pour Descartes, sur le "Court traité" (traduction Appuhn) et "L'Ethique" (traduction Pautrat) pour Spinoza.
Nous allons tenter de souligner les divergences de conceptualisation en insistant notamment sur la trajectoire théorique de Spinoza, qui s'éloigne progressivement de Descartes, et ce en étudiant certaines différences entre le "Court traité" et "L'Ethique". Notre étude rencontrera le problème de la valeur du mépris. Le premier effort cartésien est de différencier le mépris comme opinion et le mépris comme passion. Le premier est un jugement sur une chose ou un être, le second une "inclination de l'âme à considérer la bassesse ou petitesse de ce qu'elle méprise" (article 149).
[...] Mais ce ne sont que des hypothèses, Descartes ne s'étendant pas sur la question. Pour Spinoza, il est difficultueux de penser le Mépris de soi, parce que le Mépris est Haine et que la Haine a une cause extérieure. Il n'y a pas en rigueur de Mépris de soi chez Spinoza. Mais il y a la Bassesse, qui est d'avoir de soi, par Tristesse, moins d'impression qu'il n'est juste (traduction Rovere dans son livre déjà cité). Comme on le voit la définition est proche de celle du Mépris, à ceci près que la Haine n'est plus en cause. [...]
[...] Il est difficile de discerner ce qu'il y a de passionnel dans ce Mépris là Le Mépris chez Spinoza : erreur d'appréciation ou combat contre la Tristesse ? L'effet de la Haine est décrit comme une redirection de notre conatus intellectuel vers l'impression de l'autre sous le double rapport de la négation et de l'affirmation. On comprend alors que le Mépris c'est une tentative de défense contre la Haine. L'autre nous rend triste, or en tant que nous sommes tristes, nous nous efforçons d'abolir la Tristesse (d'un point de vue général), et dans ce cas particulier - quand la cause extérieure de la Tristesse est une personne - l'effort d'abolition de la Tristesse procède selon deux opérations : l'affirmation de ce que nous imaginons qui le rend triste ; la négation de ce que nous imaginons qui le rend joyeux. [...]
[...] l'usage du verbe devoir dans la précédente citation) de se mépriser. L'originalité de Descartes est de définir des critères du Mépris légitime de soi. Le Mépris de l'autre ou dédain (article 163) n'est pas la transformation imaginative de l'impression de l'autre par Haine, il est seulement le jugement qu'autrui - qui possède un libre-arbitre - n'a plus la capacité d'en faire usage, que ce soit en bien ou en mal. Le dédain a pour objet la personne qui ne dispose plus de son libre-arbitre. [...]
[...] On peut dire que le Mépris est ontiquement injuste (il ne rend pas justice à ce qu'est autrui) mais éthiquement juste (il est juste de combattre sa tristesse). La requalification du Mépris n'est qu'illusoire : certes le Mépris n'est pas un vice, il apporte même de la Joie, mais c'est une Joie mauvaise, et il est en réalité une passion triste en tant que la Joie naissant de ce que nous imaginons qu'une chose que nous haïssons est détruite, ou affectée d'un autre mal, ne naît pas sans quelque Tristesse de l'âme (proposition XLVII). [...]
[...] En revanche pour Spinoza le Mépris ne peut pas être une espèce de l'Admiration car l'Admiration n'est pas un affect. L'Admiration n'a pas d'effet sur notre puissance d'agir, elle n'a pas d'effet éthique Les spécifications du Mépris : le Mépris de soi et de l'autre Descartes présente par deux fois le Mépris de soi avant le Mépris de l'autre. Ainsi l'article 151 traite du Mépris de soi, quand le Dédain est seulement traité à l'article 163. Le Mépris détient un rôle important en tant qu'il est le négatif de la Générosité. [...]
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