A l'issue de la troisième Méditation, Descartes a prouvé l'existence de Dieu de deux manières : par l'idée d'infini et par l'idée de la perfection. L'expérience du doute me fait en effet connaître ma finitude et mon imperfection ; pourtant réside en moi l'idée d'infini, idée dont je ne puis être l'auteur. A l'idée d'infini correspond donc nécessairement, hors de moi, une réalité possédant au moins autant de perfection que l'idée qui la représente : Dieu. De la même manière, la conscience de mon imperfection existe en moi en parallèle à l'idée du parfait ; je ne peux donc pas être l'auteur de ma propre existence, ce qui constitue la deuxième preuve de l'existence de Dieu. Si le sujet de Dieu est particulièrement délicat à aborder pour la philosophie laïque, il faut donc noter que la réflexion de Descartes n'a rien d'une propagande chrétienne : la nature de ses arguments et de ce qu'il appelle Dieu reste tout à fait rationnel et n'encourage ni ne définit aucun dogme. Puisque Dieu est nécessairement bon et qu'il ne peut donc vouloir que je sois dans le faux quand je pense être dans le vrai, il est nécessairement celui qui garantit mes idées "claires et distinctes". Puisque je suis néanmoins sujet à l'erreur - et l'entreprise de Descartes pour en sortir en témoigne - comment celle-ci est elle possible ? Descartes - et c'est l'objet de la quatrième Méditation dont est extrait le texte - innocente les facultés : l'entendement est sain, quoique fini, puisqu'il ne fait que proposer des représentations, et la volonté, par elle-même, n'est pas responsable de l'erreur. Mais en affirmant une idée qui n'est pas parfaitement claire et distincte, je fais un mauvais usage de ma faculté de vouloir, et je suis donc responsable de l'erreur. Le concept de volonté (ou de libre arbitre) a donc chez Descartes une importance fondamentale : non seulement elle est le support principal de la conscience de notre ressemblance à Dieu, mais encore elle est tout à fait comparable en cela à la volonté de Dieu, en sa nature intrinsèque (...)
[...] Cette tension, Descartes ne la nie pas mais il y répond plus directement que dans les Méditations, dans les Principes de la philosophie : L'indépendance que nous expérimentons et sentons en nous ( . ) n'est pas incompatible avec une dépendance qui est d'autre nature, selon laquelle toutes choses sont sujettes à Dieu. La différence de nature est la suivante : Descartes ne nie que la puissance de notre volonté puisse aller jusqu'à nier la volonté de Dieu lui-même, et donc de s'extraire de son assujettissement, mais la limite de mon existence, de ma volonté, se trouve dans le fait que je suis jeté dans l'être par l'Etre. [...]
[...] Ici apparaît une caractéristique fondamentale de la volonté : elle est une puissance formelle, positive, sans que cela implique une dimension nécessairement morale. En effet, si je considérais la puissance de la volonté dans sa capacité à bien faire, si le bon était le critère d'une volonté infinie, jamais elle ne pourrait me signifier ma ressemblance avec Dieu. Puisque la volonté divine est nécessairement bonne (sans quoi l'idée d'un Dieu n'a pas de sens), ce n'est pas sur le plan du fond que la ressemblance est à chercher. [...]
[...] Le cercle est fermé, la liberté existe parce que Dieu l'a permise, et si je n'ai pas une connaissance directe de cette création, j'ai une connaissance directe de son existence puisque tout en elle porte l'image et la ressemblance de Dieu. Cette preuve de la ressemblance de l'homme au divin par la nature de la volonté n'est toutefois pas la seule : pour Descartes c'est elle principalement qui me fait connaître Sans doute l'autre faculté qui vient compléter la volonté dans la possibilité que j'ai de connaître ma ressemblance à Dieu est-elle l'entendement, que Descartes évoque à la fin de l'extrait. [...]
[...] En effet, c'est pas l'entendement que l'homme est apte à saisir Dieu dans son essence infinie, comme à saisir l'univers dans son essence étendue, enchainant la vérité de la cause et de l'effet. La spécificité de la volonté, c'est d'avoir cette ampleur, cette étendue, cette grandeur : ces trois termes qui semblent très proches grande ample et étendue dans le texte) renforcent l'impression d'infinité de la volonté. Qu'elle soit grande renvoie à sa taille, qu'elle soit ample à sa largeur, qu'elle soit étendue à sa surface : plus exactement, Descartes définit ainsi la puissance de projection et d'objets de la volonté. [...]
[...] René Descartes, Méditations, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade) p A l'issue de la troisième Méditation, Descartes a prouvé l'existence de Dieu de deux manières : par l'idée d'infini et par l'idée de la perfection. L'expérience du doute me fait en effet connaître ma finitude et mon imperfection ; pourtant réside en moi l'idée d'infini, idée dont je ne puis être l'auteur. A l'idée d'infini correspond donc nécessairement, hors de moi, une réalité possédant au moins autant de perfection que l'idée qui la représente : Dieu. [...]
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