Le lecteur, d'une manière générale, désigne quelqu'un plongé dans l'occupation de la lecture. Défini en ce sens, il est surtout usité au masculin. Cependant, le lecteur est-il simplement un liseur, et n'est-il pas une instance qui recouvre plusieurs niveaux de signification ?
Maurice Blanchot, dans son article « Le règne animal » dans la revue Critique, définit le lecteur en fonction de l'œuvre dans ces termes : « Le lecteur fait l'œuvre; en la lisant il la crée ». Le lecteur prend ici une toute autre dimension que sa simple fonction de lecture. Maurice Blanchot place ici le lecteur à un emplacement temporel équivalent à celui de la création de l'œuvre, par son acte de lecture.
[...] L'oeuvre elle-même peut avoir un effet postérieur sur le lecteur, et ce, par son essence. En effet, par sa structure, son fond, une œuvre peut surprendre le lecteur, et ce, même sans la présence du narrateur comme dans Jacques le fataliste et son maître. Dans sa définition, l'œuvre sous- entend une réaction provoquée chez le lecteur, elle englobe à la fois le texte [ ] et sa réception [ ] par le lecteur selon Michael Riffaterre, l'expérience littéraire est un dépaysement et montre que l'œuvre peut agir sur le lecteur. [...]
[...] Certes, il la renouvelle en l'actualisant et en l'inscrivant dans son temps, mais ce n'est pas un effet de création de l'œuvre. Elle existait avant d'être actualisée par la lecture. Le lecteur a également besoin que l'œuvre sur laquelle il s'appuie ait un minimum de sens. Sinon, il aura beau s'échiner à comprendre l'œuvre pour en extraire son essence, cela lui sera impossible. L'enchaînement des mots doit répondre à une certaine logique sinon il est impossible pour l'écrivain de se faire lire, comprendre, et apprécier. [...]
[...] Au fur et à mesure qu'il l'écrit, il la lit, et en la lisant, il la crée. On constate alors une transition qui s'effectue du lecteur à l'auteur, et même de l'auteur au lecteur. Le lecteur est alors complété par l'auteur pour créer son œuvre par sa lecture, mais est-ce que l'auteur seul, en tant qu'il écrit le texte qui sera plus tard (ou non) une œuvre peut se passer du lecteur pour la créer ? Il y a un réel rapprochement entre le lecteur et l'auteur, qui est amplement souligné dans en lisant en écrivant de Julien Gracq. [...]
[...] Ce rapprochement entre le lecteur et l'auteur peut-il être perçu comme la création d'autre chose encore ? Le lecteur n'a-t-il pour fonction que de créer une œuvre en la lisant, ou sa lecture ne va-t-elle pas plus loin ? Nous répondrons à cela avec l'aide de Marcel Proust, qui s'exprime en ces termes dans Le temps retrouvé : En réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. [...]
[...] Le lecteur, par son action, par des mouvements coopératifs actifs et conscients fait l'œuvre, pendant qu'il la lit. C'est au lecteur d'interpréter les mots qu'il li à sa guise. Chacun peut faire une interprétation différente sur une même lecture, être d'accord ou non sur une thèse d'un auteur. Par exemple, s'interroger sur ce que Maurice Blanchot a bien voulu dire lorsqu'il a écrit : Le lecteur fait l'œuvre ; en la lisant, il la crée De nombreuses interprétations peuvent en être fait, de nombreuses réponses aussi, suivant le lecteur qui s'exprimera Il y a d'autres moyens pour le lecteur de participer à la création de l'œuvre. [...]
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