Dans ses Etudes galiléennes, Koyré se penche sur les origines de la science classique. Après avoir dressé un tableau des théories précédant la science classique, de la physique aristotélicienne à la physique de l'impetus, Koyré se penche sur l'avènement de la physique classique. Il illustre les transformations de la pensée mécanique à travers l'élaboration de la loi chute des corps, qui inaugure la physique classique. C'est en effet le très ancien problème de la chute des corps qui va permettre une modernisation considérable de la théorie physique. Cette loi constituait déjà un problème et une lacune dans la physique d'Aristote. Il s'agit d'un double problème : celui du mouvement vers le bas et de son accélération. Les efforts entrepris pour résoudre ce problème donnèrent lieu à une transformation conceptuelle qui permit l'avènement de la mécanique moderne (...)
[...] Il s'agit donc de savoir s'il on peut, en dépit des apparences expérimentales intuitives, appliquer les notions mathématiques au réel. En l'occurrence, il s'agit de savoir si l'on peut attribuer à la vitesse du mouvement réel une continuité, une série infinie de grandeurs. Ce problème est abordé à travers la voix de Sagredo, qui invoque le témoignage de l'expérience, et Galilée y répond à nouveau par l'expérience du pieu. La division des Discours en deux parties permet à Galilée à la fois de démontrer sa déduction du mouvement uniformément accéléré, et de se confronter au problème de l'application concrète des lois mathématiques. [...]
[...] Koyré dit qu'il glisse vers l'espace Néanmoins, l'effort galiléen pour mathématiser la physique le conduit à prendre du recul par rapport à la notion d'impetus. En effet, cette notion vague est impossible à mathématiser. Il faudra remplacer l'impetus par l'idée d'une action externe sur le mobile pour rendre la mathématisation possible, ce que Galilée ne le fait pas entièrement : cette évolution nécessitera les contributions de Descartes et Newton. De plus, Galilée comprend les vices du raisonnement de ses prédécesseurs. [...]
[...] Les partisans de cette physique lient toujours la proportionnalité de la vitesse à l'espace parcouru et non au temps écoulé. C'est donc la persistance de cette notion ancienne, intuitive mais naïve qui explique l'erreur de Galilée. Koyré invoque également une raison profonde plus générale à la méprise des prédécesseurs de Galilée et de Galilée lui-même. La physique classique et en particulier celle de Galilée procède d'un effort pour mathématiser les lois de la nature, et donc géométriser l'espace. Or, il est plus facile d'imaginer dans l'espace que de penser plus abstraitement dans le temps. [...]
[...] Galilée déclarera que les mesures effectuées lors de cette expérience ont confirmé précisément ses prédictions, ce qui est peu probable à strictement parler. Cependant, là n'est pas la question : Galilée n'attend pas que la nature exemplifie les lois pures élaborées mathématiquement. L'abstraction mathématique a précisément pour fonction d'idéaliser les phénomènes naturels, afin de révéler leur régularité. A nouveau, cette expérience ne peut servir de fondement à la théorie, et ce n'est d'ailleurs pas sa vocation : aux yeux de Galilée, l'expérience ne peut qu'infirmer ou confirmer l'application de la théorie au cas réel. [...]
[...] L'auteur porte une attention particulière aux erreurs de raisonnement qui jalonnent cette réflexion. En effet, il remarque que Galilée et Descartes ont commis des erreurs similaires dans leur formulation de la loi de la chute des corps. Pour Koyré, cette concordance dans l'erreur ne peut pas être le fruit du hasard. Ces erreurs doivent être révélatrices de la complexité de la loi de la chute, et montrent à quel point sa formulation a constitué un défit pour la pensée de ces auteurs. [...]
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