Institutions rationnelles, le bonheur, Karl Popper, la Société ouverte, citoyens
On déplore volontiers que la raison est trop
«froide», et que les institutions qu'elle peut fonder restent éloignées du peuple. Il peut dès lors être tentant d'envisager, pour fonder un gouvernement, de recourir à l'amour, qui semblerait garantir des relations plus riches entre les citoyens et leurs dirigeants.
Popper affirme au contraire que le sentiment ne doit jamais, dans ce domaine, remplacer la raison. D'une part, parce qu'il mènerait nécessairement à des conflits, de l'autre, et c'est encore plus grave parce qu'il favorise des entreprises « utopiques » qui, prétendant faire le bonheur de tous, ne peuvent qu'imposer certaines valeurs et, pour ce faire, aboutissent à ne pas respecter la pensée ni l'indépendance des populations.
S'il ne doit pas « vouloir le bonheur du peuple », quel peut alors être l'objectif d'un gouvernement?
[...] Il y a ainsi dans le fait politique un souci de l'universel, qui rappelle fortement celui de la moralité. Il en résulte que les institutions, si elles ne veulent pas mener aux catastrophes que prépare, même involontairement, la préoccupation d'un bonheur pour tous, doivent être conçues en fonction d'exigences rationnelles. La conséquence en sera peut-être que l'Etat se manifestera comme un monstre froid (Hegel), mais cette froideur est toujours préférable aux conflits que détermine à tout coup l'ivresse des sentiments. [...]
[...] La simple volonté de secourir les plus démunis. Les plus démunis constituent une catégorie limitée, mais le devoir de les aider est bien universalisable : il s'agit d'aider tous les démunis, dès qu'on en rencontre un exemple. Les devoirs peuvent coïncider avec les institutions rationnelles: Dire devoir c'est prendre un point de vue moral (référence possible à Kant). Mais les institutions peuvent formuler de tels devoirs pour les citoyens (en prévoyant, pour poursuivre l'exemple, les cas à aider, et le mode de financement), en formulant des lois. [...]
[...] Rien n'est moins sûr, tant la notion du bonheur semble variable selon les individus. C'est pourquoi la conception retenue du bonheur ne peut que forcer leur intimité (c'est-à-dire s'imposer de force dans leur propre pensée) et attenter à leur indépendance (puisque, pour obéir au projet commun, ils doivent renoncer à leurs choix singuliers ou à leurs préférences). On a alors une confirmation du lien entre amour et bonheur imposé: les dirigeants totalitaires, qui cherchent précisément à façonner des hommes nouveaux en fonction de leurs buts, veulent être unis à leurs sujet par des relations affectives (Mussolini, époux de toutes les Italiennes; Staline, petit père des peuples etc.). [...]
[...] Comment, dès lors, aimer celui dont on se méfie? De ce point de vue, défauts de l'amour: il ne peut être impartial, puisqu'il privilégie certains; les différentes manières d'aimer mènent à des conflits, etc. Aucun sentiment n'est de mise pour fonder des institutions: Si la haine est une conséquence de l'amour, cela ne signifie pas que les deux sentiments soient à considérer comme équivalents. Mais dans la mesure ou l'amour apparaît comme le sentiment le plus recommandable ou le plus positif, on doit conclure de son incompatibilité avec les institutions qu'aucun autre sentiment ne doit fonder ces dernières. [...]
[...] Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis On déplore volontiers que la raison est trop froide et que les institutions qu'elle peut fonder restent éloignées du peuple. Il peut dès lors être tentant d'envisager, pour fonder un gouvernement, de recourir à l'amour, qui semblerait garantir des relations plus riches entre les citoyens et leurs dirigeants. Popper affirme au contraire que le sentiment ne doit jamais, dans ce domaine, remplacer la raison. D'une part, parce qu'il mènerait nécessairement à des conflits, de l'autre, et c'est encore plus grave parce qu'il favorise des entreprises utopiques qui, prétendant faire le bonheur de tous, ne peuvent qu'imposer certaines valeurs et, pour ce faire, aboutissent à ne pas respecter la pensée ni l'indépendance des populations. [...]
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