La nature réfléchissante du jugement de goût est encore approfondie par Kant qui aboutit à cette définition : le beau est ce qui plaît universellement sans concept.
Cette définition est choquante au premier abord : elle contredit la représentation habituelle que nous avons des jugements de goût, dont nous constatons la subjectivité. Une appréciation esthétique paraît toujours nous être particulière.
Elle est aussi choquante sous un second aspect : qui dit universalité dit, non seulement accord des esprits, mais possibilité de référer cet accord à une méthode de connaissance objective, donc, dans les termes mêmes de Kant, à une loi, ou un concept, reconnus comme déterminant une classe d'objets. L'universalité semble être la condition même de tout jugement de connaissance objective, or celle-ci, dit Kant, réfère l'objet à un concept définitoire. Comment une universalité pourrait-elle être sans concept ?
[...] Contrairement à ce qu'on pourrait penser au premier abord, cette évolution historique ne témoigne pas du fait que les jugements sur la beauté sont purement privés, mais au contraire du fait qu'ils appellent la confrontation publique. L'universalité subjective du jugement de goût est dite par Kant sans concept. L'universalité liée au concept est l'universalité objective (puisque la détermination des propriétés conceptuelles d'une classe d'objets est ce qui permet de fonder une connaissance au-delà de l'expérience subjective). Au Kant précise ce que signifie cette absence de concept caractéristique du jugement de goût. [...]
[...] Que, par ailleurs, les moyens de disposer d'une vraie culture soient, comme les métiers les plus rémunérateurs, les quartiers les plus agréables etc constamment monopolisés par ceux qui sont en haut de l'échelle sociale, c'est une autre histoire. Cf. p ligne 17 sqq. lorsque j'affirme est beau' j'exrpime certes une attitude, mais si on me contredit ou si on me demande pourquoi je trouve beau l'objet en question, les raisons que je donnerai seront en général telles ou telles propriétés de l'objet que l'objet possède effectivement, ou dumoins dont je crois qu'il les possède. [...]
[...] Mais dans une connaissance, l'imagination (la composition du divers de la sensibilité) est soumise à un concept déterminé. Tandis que là, l'imagination rapporte la diversité des formes sensibles à une unité conceptuelle possible, mais dans un libre jeu. Nous touchons ici le point culminant de la tentative kantienne de déterminer philosophiquement le sens de la beauté. Le plaisir esthétique traduit un libre accord, une harmonie des facultés de connaître (p. 148) que sont imagination et entendement (évoqués, discrètement, dès les premières lignes du Parce que cet accord ne se fait pas en direction d'une connaissance (d'une détermination des propriétés de l'objet) mais d'un libre jeu dans la présentation de la forme sensible, c'est, comme le précisera Kant dans la remarque de la fin de l'Analytique (p. [...]
[...] Kant pose ainsi la question : la communicabilité précède-t-elle ou suit- elle le sentiment de plaisir ? Dans le cas du jugement des sens elle ne fait qu'exprimer (après coup) la sensation : je dis à l'autre, sans que cela ait d'ailleurs de nécessité, combien ce que je goûte est agréable, combien je me sens bien Elle est donc postérieure. Mais il en va autrement dans le jugement esthétique : la communicabilité du jugement esthétique ne consiste pas dans la simple expression d'une sensation mais dans une appréhension réfléchie de la forme de l'objet telle que je la ressens, ou plutôt telle qu'elle se donne dans mon sentiment. [...]
[...] Entre sensibilité et intelligence, dit Proust dans un de ses brouillons (Matinée chez la princesse de Guermantes, Gallimard p. 361), c'est une émulation incessante, dans une avidité d'épuiser le sens L'émulation est une rivalité en laquelle chaque élément conduit l'autre à se surpasser. La beauté est donc le plaisir lié à la représentation sensible d'une chose, quand sa forme est telle que la diversité sensible de ce qui la compose reflète une certaine unité propre. Une certaine unité mais jamais une unité déterminée. Qu'est-ce qui fait cette unité ? Aucune règle générale. [...]
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