Dans un passage célèbre de sa <em>Critique de la raison pure</em>, Kant se propose d'appliquer à la philosophie (ou mieux à la métaphysique) ce que les sciences physiques ont déjà réussi en accomplissant la révolution copernicienne : en effet, pour le philosophe prussien, la réalité n'est pas un ensemble de choses déjà constitué que la connaissance n'aurait qu'à éclairer. Au contraire, c'est en élaborant et construisant ses connaissances que l'homme établit la vérité du monde. La vérité dépend donc de notre connaissance des choses, non des choses elles-mêmes. C'est en ce sens que l'objet à connaître tourne autour du sujet connaissant à la façon dont la terre tourne autour du soleil (...)
[...] L'esprit humain n'est pas une tabula rasa que nos impressions successives viendraient remplir comme des coups de crayon dessinant une série de formes sur une feuille vierge. Du coup, le monde de la connaissance ne dépend pas de l'objet lui-même et des apparences que j'en infère. Il ne dépend pas non plus que de mes idées innées sans tenir compte de l'expérience. Entre l'empirisme et l'innéisme, la position kantienne inaugure une troisième voie qui permet de comprendre que la vérité (sur les objets réels) se forme en tant que jugement synthétique a priori. [...]
[...] Comparativement à cette exigence de vérité rationnelle, il est alors clair que la persuasion fait figure de parent pauvre et indigne dans la famille rhétorique. D'où, sous la plume de Kant, l'adverbe uniquement» (ligne qui marque bien me restriction dans l'usage de la persuasion et de la croyance qu'elle suscite. De quoi s'agit-il? Pour Kant, la persuasion n'est qu'un procédé oratoire à visée subjective, non objective, c'est-à- dire qui provient du sujet et de lui-seul. Pour le clarifier davantage, il faut étudier attentivement ce que dit le second paragraphe de cet extrait: la persuasion, y est-il dit, est une simple apparence L'adjectif montre qu'elle n'est que cela - nouvelle restriction. [...]
[...] De plus, la connaissance est d'abord un discours sur la chose, une construction mentale dont je suis le sujet. Comme nous le disions en introduction, l'homme tourne autour de la chose pour tenter de la connaître comme la terre tourne autour soleil. Mais Kant n'est-il pas une étape transitoire sur le chemin d'une remise en question de l'accès à la vérité absolue? Ici, la vérité est définie comme un double accord: un accord avec l'objet (selon le vieux principe scolastique de Saint-Thomas d'Aquin de l'adœquatio rei et intellectus) d'une part, et un accord des esprits entre eux d'autre part, selon le principe évoqué plus haut d'une communion» des esprits axée autour de la conviction. [...]
[...] La couleur n'est qu'un mot dérivé d'une perception optique de la lumière divisée par l'œil et le cerveau. En elle-même, la neige n'a sans doute pas cette couleur, si ce n'est pour nous. La vérité sur la neige est donc une convention dans un système de langage. Tout au plus, pour s'entendre sur les propriétés d'une chose, nous pouvons recourir à la science. Or celle-ci ne peut proposer qu'un modèle théorique qui décrit au mieux de telles propriétés. Pour autant, cette description n'est pas une explication achevée. [...]
[...] Entre parenthèses, nous pouvons d'ailleurs remarquer que l'acte de croire (jides en latin) n'est pas qu'une pensée abstraite (au sens d'une foi coupée du réel). Au contraire, penser, admettre une idée revient aussi à s'en servir comme point de départ de notre conduite, de notre vie pratique. Chez Kant, le lien entre théorique et pratique sera au cœur d'une bonne partie de sa philosophie future, notamment quand il s'agira de penser une action éclairée par la raison ou minorée par l'ignorance, dans des textes comme Qu'est-ce que les Lumières? [...]
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