Le texte de Kant a pour objet la question du génie dans le domaine de la création artistique. Selon lui, ce qui définit un génie, c'est que sa production semble moins relever de l'art que de la nature, et qu'elle doit permettre de donner à la création en général de nouvelles règles dont les autres artistes pourront à leur tour s'inspirer. Toutefois, Kant établit une distinction essentielle en disant que l'oeuvre de génie ne doit pas être considérée comme un "exemple à imiter", mais comme un "héritage exemplaire". Ce qui justifie cette distinction, c'est l'attitude de celui qui veut s'inspirer du génie, qui doit y trouver de quoi découvrir sa propre originalité, voire son propre génie personnel (...)
[...] Ce courage n'est un mérite que pour le génie; et si une certaine audace dans l'expression ainsi que de maints écarts de la règle commune lui conviennent, cela n'est cependant aucunement digne d'imitation et demeure toujours en soi une faute qu'il faut chercher à écarter, alors que le génie est pour ainsi dire privilégié à cet égard, puisque ce qu'il y a d'inimitable dans l'élan de son esprit pâtirait de cette prudence inquiète. KANT, Critique de la faculté de juger Le texte de Kant a pour objet la question du génie dans le domaine de la création artistique. [...]
[...] Selon cette perspective, il semble que Kant voie dans le génie quelque chose qui relève d'un certain mystère. On dirait en effet que le génie crée d'une façon qui lui est comme inspirée par la nature en lui, comme s'il obéissait à quelque chose dont il ne serait pas vraiment l'inventeur. On pourrait croire à une forme de facilité telle qu'on l'envisage quand on parle d'un don. C'est sans doute ce que critique Nietzsche lorsque dans Humain, trop humain, il réfute la représentation de l'activité du génie comme relevant du miracle et du génie lui-même comme d'un être divin Selon lui, le génie n'est pas un être doué de qualités exceptionnelles ou plus exactement d'une toute autre nature que celle dont doit faire preuve l'artisan, le savant astronome ou l'historien Tous ont d'abord appris, et n'ont fait qu'exploiter toutes choses en vue de leur activité, à titre de moyens Autrement dit, contrairement à l'image courante qu'on s'en fait, Nietzsche soutient que le génie n'est pas quelqu'un qui n'a pas besoin de travailler parce que tout lui viendrait en vertu de son don naturel ; au contraire, il est, comme tous les autres, un homme, dont l'activité est une merveille de complication Mais en réalité il n'apparaît pas vraiment que Kant dise le contraire. [...]
[...] Il faut donc bien comprendre que pour les bons esprits dont parle Kant, c'est-à-dire pour les artistes en devenir, voire pour ceux qui sont susceptibles de se révéler des génies à leur tour, l'art est, pour une part, imitation reproduction technique de ce que le génie a mis au jour et qui, par son intermédiaire, devient donc une nouvelle règle pour eux. Pour autant, une telle imitation ne pourra suffire à faire d'eux de nouveaux génies. C'est en effet tout l'intérêt de ce texte de montrer qu'une même chose, produite pour la première fois par celui qu'on appellera le génie, et produite ensuite par un autre qui l'imite, ne peut être considérée de même valeur. [...]
[...] C'est sur ce point que Kant insiste dans la suite du texte. En faisant du génie un favori de la nature il veut que l'artiste génial crée sans qu'on puisse réellement savoir comment, puisqu'il manifeste son indépendance vis-à-vis des règles de l'art c'est-à-dire des techniques communément admises dans le champ de la création propres à son art. Kant ne dit pas que le génie relève d'un don, amis de la nature ; tout se passe en fait comme si la distinction était entre, d'une part, ce qui obéit à des mécanismes naturels à l'instar des phénomènes naturels eux-mêmes, et d'autre part, ce qui obéit à des règles techniques élaborées par les hommes. [...]
[...] L'idée principale en est que le génie ne peut pas transmettre son génie à autrui. On n'apprend pas à être génie, et surtout le génie lui-même ne peut rien enseigner à ce sujet. C'est là toute la différence entre un être dont la production serait un exemple à imiter c'est-à-dire dont l'imitation suffirait à se rendre identique à lui, et un héritage exemplaire c'est-à-dire dont l'imitation n'est qu'une étape nécessaire, mais pas suffisante, sur la voie de la réalisation de soi-même dans sa propre originalité. [...]
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