Jacques Le Fataliste, Diderot, 1796, roman de la Liberté, double paradoxe de la liberté, satire religieuse, satire sociale, liberté de Jacques
Dès ses Pensées Philosophiques (1746), Diderot devient suspect au pouvoir et acquiert du même coup une réputation d'esprit libre auprès des gens de lettres et du grand public. Ce goût pour la liberté peut donc se refléter dans son œuvre Jacques le Fataliste, publiée en 1796.
[...] Le fatalisme porte tout son intérêt à la notion de destin. Le destin et la croyance dans le destin provoquent la passivité de l'homme : pourquoi agirait-il si ce qui l'attend arrivait de toute façon ? Tandis que si l'homme se croit libre, il anticipe et peut agir comme il l'entend. En cela, la doctrine de Jacques semble davantage s'apparenter au déterminisme si l'on tient compte de ses comportements défiant le destin : en modifiant les causes, on modifie les effets. [...]
[...] C'est ainsi que l'on suppose que le récit est écrit sans réflexion préalable et que l'auteur s'embarque dans la narration sans même avoir préparé de plan éventuel. Mais on ne se doute pas que Diderot a conscience de toutes les conventions d'écriture du roman traditionnel, et y est quand même soustrait, puisqu'il engage son narrateur à s'écrier, aux pages 71 et 196 : La Vérité ! La Vérité ! Fut-ce en dépit des règles ? Diderot avouerait-il perdre cette liberté au nom de la Vérité dans son œuvre ? [...]
[...] Les moines complotent et font passer le père Ange (présenté comme un être honnête et adorable) pour un fou, par jalousie : le premier pêché leur étant attribué est donc l'orgueil. Le confesseur de la d'Aisnon accepte de s'interposer entre la mère et la fille pour une somme de la part du marquis des Arcis. Le second péché sera donc l'appât du gain, l'avarice. Enfin, le père Hudson, lui aussi représentant le clergé, héritera du pêché de la luxure. Diderot va même jusqu'à sous-entendre que les moines sont mauvais de nature : Mais pourquoi est-ce qu'ils sont si méchants ? demande Jacques. [...]
[...] La satire sociale La deuxième cible de Diderot est, pour ainsi dire, les nobles. Le maître, par exemple, se voit obligé d'emprunter de l'argent pour satisfaire Agathe. De surcroît, on apprend finalement que celui qu'il croit être son enfant est l'enfant d'un autre : il est déshonoré. Tout comme le marquis des Arcis, qui se marie avec une ancienne prostituée et doit par ailleurs se retirer à la campagne. Suite à cette étude, le lecteur est plus en mesure de comprendre Milan Kundera qui, dans son ouvrage Hommage à Denis Diderot, à propos de Jacques le Fataliste, déclare : tout y est humour, tout y est jeu, tout y est liberté et plaisir de la forme Ainsi, Diderot est bien présenté comme un écrivain libre. [...]
[...] Parallèlement, Jacques semble libre dans sa parole, et face à son maître. Cependant, le paradoxe de cette œuvre nous apprend que se pose doublement la question de la liberté : celle de l'écrivain et celle de Jacques, l'un face aux conventions, l'autre face à sa hiérarchie et au fatalisme. Même si les règles narratives sont détournées, Diderot ne peut totalement y échapper, car elles garantissent la cohérence d'un récit. D'autre part, l'image du valet supérieur à son maître, grâce au pouvoir de la parole, est discréditée par la doctrine fataliste du valet, qui nuance avec les principes d'une liberté totale. [...]
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