L'exprimable c'est la pensée, la volonté, le désir ou le sentiment matérialisé par une parole ou une action. L'inexprimable pourrait être défini de deux manières : d'une part, comme ce qui n'est pas traduisible par un moyen d'expression, et d'autre part comme ce qui ne doit pas être exprimé. "L'inexprimable", nous dit Théophile Gautier, "n'existe pas".
[...] Ce n'est plus l'inexprimable des mots mais celui des conventions sociales. L'exprimable suppose la compréhension. C'est pour se faire comprendre de ses congénères que l'Homme a mis en place le langage ou l'art. Ainsi, l'exprimable c'est aussi ce qui peut être compris et l'inexprimable ce qui ne peut l'être. On pourrait dire paradoxalement que quelque chose qui peut être matérialisé par des mots et qui ne sort pas des conventions sociales est inexprimable. Inexprimable car inintelligible. Inexprimable car dépassant l'entendement humain. [...]
[...] L'Homme ainsi a multiplié les nuances possibles de l'expression comme un peintre perfectionnerait le ciel qu'il peint avec un dégradé de bleus. Le langage, celui de la parole ou celui de l'art, semble pouvoir déchiffrer toutes les facettes de l'âme. Le deuxième aspect de l'inexprimable concerne ce qui doit peut être exprimé ou non. Cette facette recouvre essentiellement l'action politique et la vie de la Cité. Les sociétés démocratiques sont fondées sur des principes intangibles comme la liberté d'expression. Mais cette liberté d'expression ne permet pas de tout exprimer. [...]
[...] La destruction systématique des Juifs d'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale par les Nazis n'est pas accessible à l'entendement humain. On peut énumérer les faits, les massacres, mais on ne peut comprendre la déshumanisation extrême subie par les détenus des camps. Les sentiments des rescapés des camps sont inexprimables. Ce ne sont pas les mots qui manquent mais c'est la détresse humaine qui l'empêche. Adorno avait écrit qu'il serait barbare de composer des poèmes après Auschwitz. Comme pour dire qu'Auschwitz, c'est l'inexprimable. [...]
[...] L'inexprimable, nous dit Théophile Gautier, n'existe pas. D'abord, si l'inexprimable n'existe pas c'est que l'homme a fabriqué le langage, fait de mots, de phrases, de règles grammaticales, de manière à ce qu'aucun vide linguistique comme on parlerait de vide juridique, ne subsiste, c'est-à-dire que les mots recouvrent toutes les réalités du monde, que tout est saisi par le langage. Mais cela suppose que ces réalités ont toutes été identifiées. Or, rien n'est moins sûr : la réalité, le monde, évoluent par nature, par essence, et la langue, c'est-à-dire le moyen d'expression, le moyen de l'exprimable, doit s'y adapter. [...]
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