L'individualisme et les intellectuels, Emile Durkheim, 1898, égoïsme, éducation, religion, neuroscience, philosophes, survie, autonomie, confiance en soi, aspirations personnelles, matérialisme, humanité, psychologues, apprentissage, individu, conscience éclairée
Si vous posez la question de l'individualisme autour de vous, il y a fort à parier que l'on vous répond que c'est « le mal qui ronge notre société », « jouer perso », « solitude matérialiste », « ego monstrueusement hypertrophié », etc. Être traité d' « individualiste » n'est alors pas vraiment un compliment. Pourtant, dans « L'individualisme et les intellectuels » publié en 1898, Emile Durkheim défend clairement un certain individualisme en pointant la confusion faite entre ce dernier et l'égoïsme.
[...] À partir de ces nécessaires distinctions, l'individualisme pourrait-il être envisagé comme une finalité de l'éducation et à quelles conditions ? La biologie nous a appris que tout le vivant est génétiquement unique. Les arts nous indiquent la place précise de notre âme, c'est ce qui palpite en nous quand l'émotion nous étreint. Les neurosciences affirment que notre cerveau est « configuré » en vue de l'apprentissage. La psychologie, avec Wallon et Vygotsky par exemple, nous dit combien nous sommes dépendants des liens que nous tissons les uns envers les autres pour survivre. [...]
[...] Grâce à Durkheim, nous avons pu faire la distinction entre l'égoïsme et l'individualisme. Nous avons ensuite démontré que si nous possédons en nous le nécessaire pour devenir pleinement des individus, notre potentiel a longtemps été asservi à la faveur de ce qui était présenté comme l'intérêt supérieur de l'humanité. Puis nous sommes revenues à Durkheim pour tenter de dépasser l'ancien concept de l'individualisme et poser quelques-unes des nombreuses pistes qui pourraient en faire le fondement et la fin de l'éducation. [...]
[...] Les détracteurs de ce noble individualisme tentent d'en faire un avatar de l'égoïsme. Ce serait alors un individualisme utilitaire, voire béotien. À la fois centré et crispé sur l'intérêt privé, l'horizon de l'homme reste borné dans la zone du nombril, ce qui s'oppose à toute vision, toute perspective dépassant quelque peu la sphère privée. Dans cet égoïsme réducteur, l'Homme n'existe pas, il est broyé par les mécanismes de l'économie, les logiques marchandes et comptables. Son développement est restreint au triste culte du « moi », c'est l'E(r)go privé de « cogito ». [...]
[...] Ensuite, si nous éduquons, nous rappelle Daniel Quinn dans son roman « Ishmael ou l'homme une fois disparu, y aura-t-il un espoir pour le gorille ? », c'est en premier lieu pour permettre à nos descendants de maîtriser leur environnement afin qu'ils puissent répondre de leur simple survie (et de la nôtre quand nous serons trop âgés pour le faire). Il s'agit donc de favoriser leur autonomie. Sommes-nous autonomes quand une simple panne de courant nous rend quasi impotents ? [...]
[...] Nous pouvons comprendre que l'individualisme post- moderne que nous vivons actuellement, avec ses outrances et ses illusions, marquerait en fait le retour de balancier d'un trop grand déni de l'individu au profit de l'intérêt collectif. Des millénaires de culture hors de soi ne se réparent pas si vite, nous ne sommes qu'à deux petits siècles de la Révolution de 1789, qui d'une certaine manière, a autorisé l'homme à se penser par lui-même, même si dans les faits, le cadre autoritariste et hiérarchique n'a pas changé : remplacer le culte de dieu, du roi ou de la patrie par le culte de l'homme, de l'ego ou de l'argent nous fait rester dans le cadre du culte hiérarchique. [...]
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