« Ti es ti ? » (« Qu'est-ce que ?) Cette question, qui est à l'oeuvre dans le Ménon fait apparaître ce dialogue comme l'un des textes fondateurs de la philosophe de la connaissance. Effectivement, c'est dans le Ménon qu'apparaît pour la première fois l'idée d'une connaissance prénatale qui appartienne à l'âme indépendamment de tout apprentissage. Il s'agit ici de fonder la théorie de la réminiscence (du grec anamnésis). La certitude que nous avons de l'existence d'une telle connaissance nous amène à chercher sans cesse à atteindre la vérité. Nous aspirons ainsi, au terme de la réminiscence, par le rappel à la conscience des vérités possédées de manière latente par l'âme, à connaître les choses en soi. L'âme une fois incarnée est donc présentée comme le lieu d'accès à la connaissance.
[...] Alors, l'esprit humain a la capacité de connaître la vérité en lui-même, mais toute pensée formulée n'est pas nécessairement vraie. Effectivement, si le garçon s'est trompé deux fois avant d'arriver à la vraie réponse c'est parce qu'il a fait des erreurs de raisonnement, il a mal jugé, parce qu'il ne connaissait pas la réponse. On voit à présent que la connaissance et la formulation de pensées vraies s'opposent. Et si l'âme est dotée que de structures générales et universelles de connaissances, il est nécessaire qu'elles soient réveillées par une interrogation, la découverte de la vérité n'étant pas immédiate. [...]
[...] Il y a donc deux temps dans le processus de réminiscence. L'un est la remémoration c'est-à-dire reprendre soi-même une connaissance en soi-même et l'autre est un travail de compréhension. Effectivement, Socrate amène progressivement le jeune garçon à construire le carré recherché et à exprimer les longueurs de ses côtés en fonction de ceux du premier carré. À ce propos, Descartes disait très justement : Socrate interroge un enfant sur les éléments de la géométrie et lui pose des questions de manière à lui faire trouver dans son esprit certaines vérités qu'il n'y avait pas remarquées auparavant ( Mais de ce que ces vérités géométriques sont innées, vous ne pouvez pas conclure que tout le monde connaît les éléments d'Euclide (Lettre à Voetius, Adam et Tannery VIII 1643). [...]
[...] Après deux mauvaises réponses, le jeune garçon finit par admettre qu'il ne sait pas. C'est alors que Socrate, en ne faisant rien d'autre que de lui poser des questions l'amène à découvrir que c'est sur la ligne diagonale du carré donné que le carré double est construit. Le jeune garçon a donc retrouvé une vérité qu'il n'avait jamais apprise dans sa vie présente, une propriété géométrique. M : [ ] Les pensées étaient bien de lui. S : - Et il est certain, comme nous l'affirmions un peu auparavant, qu'il ne savait pas. [...]
[...] Comment connaître de manière véritable ? Socrate avance ici C'est sans avoir reçu de personne aucun enseignement, mais plutôt en étant questionné que l'on possède des connaissances. On remarque aussi que l'interrogation multiple et diversifiée qu'opère Socrate par son dialogue a pur but de montrer le lien entre les tous les objets de connaissance. Il faut bien comprendre que pour Platon, transcripteur de Socrate, la nature au sens de phusis est homogène. C'est-à-dire que toutes les disciplines sans exception peuvent être connues par la réminiscence. [...]
[...] - Oui certes Finalement, la théorie de la réminiscence fonde l'idée qu'apprendre c'est en réalité se remémorer. Entre le moment de la mort, c'est-à-dire le moment de la sortie de l'âme hors de sa condition corporelle et le moment de la renaissance, c'est-à-dire de l'incarnation, l'âme n'est aucunement changée et reste identique à elle-même. Cet argument établit donc l'immortalité de l'âme et est vérifié avec l'interrogation dialectique d'un jeune garçon que l'on amène à découvrir une vérité qu'il n'avait pas apprise. Le dialogue avec l'esclave est en réalité une mise en abîme du dialogue avec Ménon. [...]
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