Malebranche est avant tout un écrivain, il a le goût du pittoresque et de la sensibilité. Il écrit directement en français, dans un style sobre, efficace, et non dénué d'une certaine fantaisie.
Le lecteur a l'impression que Malebranche se plaint des effets néfastes de l'imagination, mais lui-même procède de la même manière : sa façon de narrer fait appel à l'imagination du lecteur.
Malebranche a une vive conscience de l'ambivalence de l'imagination depuis le pêché. Il pense en fonction et à partir du pêché originel ; toutes ces interrogations se portent au sujet de l'union de l'âme et du corps. L'imagination est à la fois ce qui nous rend esclave, mais aussi ce qui nous aide à gagner l'abstraction. Pour Malebranche, « il faut se plaire au vrai », c'est-à-dire qu'il faut prendre plaisir à la vérité, dans la mesure où, depuis le pêché, le plaisir est devenu notre centre de gravité. Nous ne pouvons pas nous abstraire du sensible, ni faire l'économie de l'imagination, mais nous devons faire l'économie du charnel. Il n'est pas possible d'éradiquer nos imaginations, mais ce n'est même pas désirable. (...)
[...] Il n'est pas possible d'éradiquer nos imaginations, mais ce n'est même pas désirable. Nous devons nous rendre maîtres de l'imagination, car elle peut nous rendre de très grands services, mais ce moyen est critiquer. Comment faire de la géométrie sans imagination ? Grâce à l'imagination nous pouvons faire des sciences, nous pouvons lutter contre la concupiscence. L'imagination a une place stratégique, tant dans la transmission du pêché, que dans la transmission du savoir. L'imagination est ambivalente en ce qu'elle est la cause de tous les maux, mais elle est aussi nécessaire pour accumuler des expériences et acquérir des habitudes qui nous orientent vers une certaine forme de vérité. [...]
[...] De sorte que pour bien la définir, Malebranche nous propose de s'appuyer sur des termes qui éveillent en nous des idées claires et distinctes. Pour définir l'imagination par des idées claires et distinctes, il faut avoir une connaissance du corps et de ses ressorts (par une connaissance du jeu de la machine), et une connaissance de l'âme elle- même. La tâche est complexe. Malebranche veut donc explorer les ressorts des errances humaines, pour donner lieu à un renversement de l'asservissement de la raison par l'imagination. La mémoire fait alors partie de l'enquête sur l'imagination. [...]
[...] L'âme est alors subordonnée au corps, elle est livrée à l'imagination (à la folle du logis), aux passions, aux préjugés. Le corps s'annexe l'âme. La chute consiste donc en ce que l'âme donne la primeur à l'imagination, comme étant cette faculté de prêter attention aux objets sensibles. Pour Malebranche, une image c'est avant tout une trace cérébrale, c'est-à-dire un vestige physique, laissé sur la paroi interne du cerveau, par les ébranlements, l'agitation des esprits animaux, c'est-à-dire de ces particules les plus petites, les plus infimes du sang. [...]
[...] Il y a une espèce de renversement, de distraction qui s'est opérée, dont l'imagination elle-même est la coupable, la responsable. Malebranche résout le problème cartésien de l'union de l'âme et du corps par l'occasionalisme. L'idée est que les corps et les esprits n'ont par eux-mêmes aucune puissance efficace. La notion de force étant une notion obscure, qui ne peut qu'obscurcir l'idée claire et distincte de la chose étendue, et de la chose pensante. Toute la puissance efficace est donc dans les mains de Dieu. [...]
[...] L'imagination est ce par quoi le corps se subordonne, s'annexe l'âme. C'est pourquoi, lors de la création, Dieu avait créé le monde de telle sorte, que le supérieur commandait toujours à l'inférieur. Par conséquent, l'âme se subordonnait entièrement le corps, et le corps ne pouvait rien sur l'âme. Aussi, Adam s'il le voulait, pouvait toujours suspendre l'action du corps sur l'âme, et de la sorte s'empêcher de rien sentir, de rien imaginer, et par conséquent, de rien désirer. Adam, qui avait une connaissance pure, voyait dans le verbe divin la perfection de Dieu, et ne pouvait rien avoir de plus heureux que ce face à face avec un être si simple, et en même temps si infini, qui était constitué d'une infinité de perfections infinies. [...]
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