Nietzsche propose de considérer que ce qui importe le plus dans une science, c'est sa méthode et non ses résultats. C'est d'ailleurs ce que confirment ces personnes qui, bien qu'informées des résultats de la science, ne se privent aucunement d'avoir une pensée quotidienne des moins rationnelles: ne les voit-on pas adhérer facilement à n'importe quelle hypothèse, ou se montrer prêtes à adopter les explications les plus saugrenues ? D'où des débats aussi virulents que stériles, tout particulièrement en politique. Pour modérer la pensée, ne conviendrait-il pas que chacun apprenne au moins la méthode d'une science ?
[...] À peine formulée, son hypothèse se transforme en vérité, et doit être répandue sans attendre. Comme une telle vérité est par définition invérifiable, on ne peut que l'imposer par la violence, au moins verbale, éventuellement physique. C'est pourquoi Nietzsche a raison de souligner que l'on devient tout feu tout flamme : moins le discours est rationnellement fondé, plus il doit être ardemment soutenu et propagé. [C. Son opinion la fanatise] Cet emportement pour la vérité ainsi proclamée ne peut mener qu'à un certain fanatisme, et donc à des conflits. [...]
[...] Si la méthode disparaît, l'irrationnel resurgit] Imaginons en effet que disparaissent toutes les méthodes scientifiques. Le résultat ne se ferait pas attendre: on verrait, malgré les acquis de la science, resurgir massivement la superstition et l'absurdité dans la pensée commune. Les acquis de la science se manifestent en effet comme des données dont on n'a pas l'habitude de se demander comment elles ont été constituées. Ce n'est donc pas de ce côté que l'on peut apprendre à penser rigoureusement, ou à élaborer des vérités. [...]
[...] [Conclusion] Montaigne préférait une tête bien faite» à une tête bien pleine Nietzsche précise que, pour être bien faite, la tête doit apprendre des méthodes scientifiques. Mais on peut se demander s'il n'est pas lui-même (momentanément, dans ce texte) victime d'une survalorisation de la science et des démarches qu'y accomplit la pensée. Car rien ne prouve que la circonspection couvre le champ du possible de cette dernière. La poésie n'est-elle pas aussi une forme légitime de la pensée? Comment prouver qu'Ainsi parlait Zarathoustra serait inférieur» aux Principes de la médecine expérimentale? [...]
[...] Avoir une opinion, c'est bel et bien pour eux: s'en faire les fanatiques et la prendre dorénavant à cœur en guise de conviction. Y a-t-il une chose inexpliquée? Ils s'échauffent pour la première fantaisie qui leur passe par la tête et ressemble à une explication; il en résulte continuellement, surtout dans le domaine de la politique, les pires conséquences. C'est pourquoi tout le monde devrait aujourd'hui connaître à fond au moins une science; on saurait tout de même alors ce que c'est que la méthode, et tout ce qu'il y faut d'extrême circonspection. [...]
[...] La mémoire est sans doute utile, mais elle n'enseigne en rien l'origine et la formation de ce qu'elle retient. [II - Quels sont les défauts de la pensée sans méthode [A. Elle adhère à n'importe quelle hypothèse] C'est ce que montre la conversation de personnes qui, même si elles connaissent des résultats scientifiques, se montrent incapables, dans le quotidien, de s'inspirer de la méthode qui a permis de les découvrir. Ne se méfiant pas de l'évidence première, de la perception, ou de l'empirisme dans sa version la plus banale, ils sont prêts à admettre n'importe quelle aberration de la pensée Une lueur trop vive dans un ciel nocturne, un morceau de terrain étrangement brûlé, et l'on évoque le passage d'extraterrestres comme expliquant les phénomènes ainsi constatés. [...]
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