« C'est d'abord à la mémoire et à la transmission de la Shoah vers les jeunes générations que la France doit consacrer toute son attention et toute son énergie ». C'est ainsi que le Président de la République Française, Nicolas Sarkozy, a présenté, devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) le rôle de l'Etat français dans la transmission de la mémoire. Ce discours se révèle être particulièrement significatif de notre société et du rapport que celle-ci entretient à l'histoire et plus particulièrement à la mémoire. Fortement liée à son passé, la France et plus largement l'Europe, se sentiraient en effet redevables à l'égard des victimes et plus généralement des acteurs de l'Histoire. C'est ainsi que le 27 janvier a été déclaré « journée de la mémoire de l'Holocauste et de la prévention des crimes contre l'humanité. Aussi, le discours de Nicolas Sarkozy s'inscrirait dans la droite lignée des politiques commémoratives existantes.
[...] Si c'est un Homme de Primo Levi illustre parfaitement la notion de devoir de mémoire. Il fait en effet appel aux survivants d'une épreuve ou d'un fait historique majeur pour témoigner en incluant trois dimensions : transmettre l'histoire, lutter contre la peur de ne pas être entendu et résister à la tentation d'être oublié. A titre d'exemple, l'ouvrage du survivant d'Auschwitz Sam Braun est particulièrement évocateur, ne serait- ce que par son titre, personne ne m'aurait cru alors je me suis tu montrant de fait la nécessité d'être entendu et la peur de l'oubli. [...]
[...] Conserver le passé n'est pas un problème en soi. En revanche, les modalités par lesquelles la mémoire s'exprime dans la société, mais surtout les objectifs de ceux qui mettent en valeur la mémoire sont plus problématiques. Ainsi, Rousso énonce que le trop-plein de passé est aussi préoccupant que le déni du passé La mémoire pourrait donc devenir une religion civile pour certains. Des minorités sexuelles, religieuses ou ethniques vont ainsi revendiquer une place spécifique dans l'espace public afin de retrouver l'attention qu'ils pensent mériter par exemple.Par la mémoire, ces exclus de l'histoire et espèrent se réapproprier la sphère publique et se construire une histoire spécifique et une légitimité. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, la mémoire comme approche du passé appartient à la tradition juive, précise YosefYerushlami. Ce dernier a en effet montré comment l'histoire n'a jamais joué un rôle prééminent dans la culture et la transmission de l'héritage juif d'une génération à une autre : c'est la mémoire et non l'histoire qui fait tout, dans l'identité juive en tout cas. En définitive, par la valorisation universelle de sa mémoire, la tradition juive exerce aujourd'hui une revanche prise sur l'histoire. [...]
[...] A ce titre, Henry Rousso différencie et explicite ces deux notions de mémoire et d'Histoire. Force est en effet de constater que la mémoire a investi tous les discours des dernières années. Du devoir de mémoire, au moment mémoire en passant par les lieux de mémoires elle apparait comme un terme ambigu, recouvrant à la fois l'acte de se souvenir et le passé en soi. C'est ainsi que tout s'est transformé en fonction de la mémoire, même la justice est devenue une justice pour la mémoire en France ou en Allemagne.HenryRousso cite pour nous éclaire Saint Augustin, qui considérait la mémoire comme cette tentative de la conscience individuelle d'appréhender le temps qui passe La mémoire prépare le retour des évènements passés à travers des images, des mots, des mises en scène et représente, de fait, le passé. [...]
[...] Aussi, nous pouvons analyser les rapports que notre société entretient avec sa mémoire et son passé, les liens entre historien et justice ou encore nous demander si l'histoire peut se faire à chaud Bref, quelle place pour l'historien dans les politiques publiques et le prétoire, au sein de cette frénésie commémorative ? Il parait logique d'évoquer la confusion grandissante entre mémoire et histoire avant de se pencher sur la question du rôle escompté de l'historien à proprement parler. Tout d'abord, en suivant la pensée d'Henry Rousso, nous pouvons en déduire que les notions mêmes d'histoire et de mémoire souffrent d'une contusion probante, même si un besoin de séparation nette entre ces deux notions se fait de plus en plus nécessaire. [...]
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