Processus d'interprétation, interprétation, romanticisation, puissance, volonté, Nietzsche, êtres, choses, évolution, fonction originelle, morale humaine
« Il n'y a pas de faits moraux, il y a seulement une interprétation morale des faits », écrit Nietzsche, penseur allemand de la seconde moitié du XIXe Siècle, dans sa Généalogie de la morale. Projetant par cette oeuvre de déconstruire les considérations éthiques des philosophes qui l'ont précédé, Nietzsche tend ainsi à réfuter l'idée d'un sens originel des choses auquel nous pourrions ou devrions nous conformer. Cette réflexion fonde la source du douzième paragraphe de la Deuxième dissertation. Dans ce texte, Nietzsche propose un argumentaire qui vise à réfuter notre acception commune des choses et des concepts, dans la mesure où nous croyons pouvoir trouver leur cause originelle, leur sens, leur fonction singulière, véritable, qui ne serait pas de l'ordre de la relativité des interprétations, mais d'une essence première et indénouable. Dans ce cadre, cet extrait est porteur d'une redéfinition du « sens » qui n'est plus une donnée objective, mais le fruit d'interprétations susceptibles de changer, d'être modifiées autant de fois qu'elles sont assignées à une fonction qui vient servir un but différent.
[...] Dans cet extrait de la Deuxième dissertation de la Généalogie de la morale, Nietzsche s'oppose à l'illusion consistant à croire qu'il existerait une fonction originelle et véritable d'une chose ou d'un objet, à laquelle nous pourrions revenir sans trop de difficultés. Selon l'auteur, le sens n'est pas une donnée définitive mais bien une perspective, une inteprétation qui subit, au cours du temps, des altérations dont nous finissons par perdre la trace : ainsi, l'histoire d'un objet ou d'un concept est redéfinie non pas de façon fixe ou linéaire mais comme une succession de ces altérations. [...]
[...] En creux, se retrouve donc ici la volonté de fragiliser l'existence d'impératifs moraux de type kantiens, qui surgiraient dans la conscience de chaque être humain et lui permettraient de choisir librement de la façon dont il agit : pour Nietzsche, la morale est une invention de la vie faible qui a entrepris par ce moyen de culpabiliser l'humanité et de marquer sa victoire sur la vie forte. [...]
[...] De cette façon, toute chose est dépossédée d'un sens véritable et originel (si tenté qu'il y en ait eu au profit de ce qu'on veut lui apposer superficiellement à notre profit. Il en résulte donc logiquement la rupture avec toute cohérence « naturelle » entre l'enchaînement des causes, des significations, des fonctions : l'adaptation que l'on fait subir à la chose peut être renversée, une toute nouvelle interprétation peut lui être donnée. Ainsi, même en tentant d'avoir recul, nous n'assisterions qu'à un fil de perspectives décousues sur le plan logique, peut-être contradictoires car les fonctions successives attribuées à la chose peuvent être complètement différentes et surtout, elles ne tiennent pas compte des sens antécendants (d'autant plus que ceux-ci finissent par disparaître avec le temps) : « les causes ne sont même pas nécessairement en rapport les unes avec les autres, mais peuvent se succéder et se remplace les unes les autres de façon purement accidentelle ». [...]
[...] L'évolution est, selon Nietzsche, « la succession de processus de subjugation plus ou moins indépendants aux autres », c'est-à-dire l'enchaînement de dominations d'une puissance supérieure vis-à-vis d'un objet inférieur, qui la modèle selon ses buts. Ces dominations peuvent se renverser, se contredire, et ce processus de changement est finalement renforcé par la volonté d'en préserver un sens : les « réactions de défense », qui voudraient préserver l'utilité ou la signification d'une chose, contribuent encore à la réinterpréter et deviennent elles-mêmes des « actions couronnées de succès ». [...]
[...] L'histoire des idées porte l'assimilation entre sens et finalité - c'est-à-dire l'idée qu'il suffirait de revenir à ce à quoi sert un objet, un membre physique pour en comprendre l'origine (« de tout temps en effet on a cru que la finalité démontrable, l'utilité d'une chose, d'une forme, d'une institution, était aussi la cause de leur naissance : l'œil aurait été fait pour voir, la main pour saisir. De même on s'est imaginé que le châtiment avait été inventé pour châtier »). [...]
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