On pourrait penser dans un premier temps qu'il serait d'une bien grande cruauté de vouloir dissiper l'illusion religieuse et priver ainsi l'homme de tout soutien affectif et moral mais, objecte Freud, l'apport de la religion est-il si décisif ? Certes, elle a contribué à dompter les instincts asociaux mais elle n'a pu rendre heureux la majorité des hommes ni les réconcilier avec la vie, ni même les rendre plus moraux. Par ailleurs, l'apaisement de l'angoisse et la docilité aux exigences de la civilisation, favorisés par la religion se paient au prix fort : celui d'une inhibition de la pensée.
[...] C'est pourquoi Freud la qualifiera de névrose obsessionnelle de l'humanité le rituel religieux faisant office de comportement névrotifs. Ainsi il ne s'agit pas de prendre parti pour ou contre la valeur du contenu des dogmes religieux puisque par définition on ne peut pas plus les réfuter que les prouver mais il s'agit plutôt de les reconnaître d'après leurs valeurs psychologiques comme des illustrations. En effet, il serait très beau et très satisfaisant pour l'esprit qu'il y eût un dieu créateur du monde, une providence pleine de bonté, un ordre moral de l'univers et une vie future : mais il serait très curieux voire extraordinaire qu'existât exactement ce que nous pourrions nous souhaiter de mieux à nous même/ Et il est encore plus vraisemblable que nos ancêtres, si misérables et ignorants, eussent pu résoudre si aisément les énigmes les plus difficiles de l'univers. [...]
[...] Privé de sédatif religieux, l'homme n'est pas dénué de ressources : la science associée aux techniques accroitra encore sa puissance et il apprendra de lui-même la résignation devant les contraintes de la vie. En renonçant au ciel, il finira par cultiver son jardin et l'on peut espérer qu'il parvienne à rendre la vie supportable à tous. Quoi qu'il en soit, notre science, elle , n'est pas une illusion mais c'est une illusion de croire qu'on pourrait trouver ailleurs ce qu'elle ne peut nous donner. [...]
[...] C'est ce qui explique qu'on peut continuer à avoir la foi malgré tous les démentis infligés par la réalité. On persiste donc à croire ce qui nous arrange, en dépit des contres exemples aui viennent continuellement contredire la substance des dogmes religieux . Le secret de la force de nos croyances, c'est la force de nos désirs secrets. Freud fait ainsi dériver les idées religieuses des désirs et des craintes dont le prototype se trouve dans la situation de dépendance du petit enfant entièrement au pouvoir des adultes, qu'il craint et dont il doit chercher l'amour. [...]
[...] Freud en conclut par conséquent qu'une éducation non religieuse vaut la peine d'être tentée mais progressivement car celui qui depuis longtemps a consommé des narcotiques ne peut plus dormir si l'on en prive brutalement. En employant le terme de sédatif puis de poison pour qualifier l'illusion religieuse Freud réactive ainsi implicitement la célèbre métaphore marxiste de l'opium du peuple L'idée d'associer religion et drogue n'est certs pas nouvelle mais la formule de Marx est pleine de force dans la mesure où elle condense et met à nu 4 propriétés fondamentales de la croyance religieuse. [...]
[...] Telle une substance psychotrope, la croyance religieuse opère un déplacement par rapport à la réalité. Elle fait croire aux derniers qu'ils seront les premiers , que le vrai bonheur n'est point dans ce monde mais qu'il est accessible dans un au- delà supraterrestre. -La propriété addictive :la croyance religieuse produit des effets d'accoutumance, cette dépendance se traduit par le besoin impérieux propre à toute toxicomanie de renouveler la consommation de substances narcotiques. Cette accoutumance est ici d'autant plus permicieuse que la religion est l'opium du peuple et non pas d'un seul individu. [...]
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