Commentaire philosophique (niveau bac + 5) d'un extrait de Sens et Dénotation tiré des "Ecrits logiques et philosophiques" de Frege.
[...] Quand nous parlons de la suite qui converge le moins rapidement, nous savons que cette expression a un sens mais nous pouvons aisément démontrer qu'elle n'a pas de dénotation, car il est possible de montrer que pour toutes suites convergentes données, il y en aura une qui convergera plus lentement. Ces deux remarques préliminaires nous permettent déjà de faire une constatation importante : le sens et la dénotation d'un nom propre n'entretiennent pas une relation univoque. A présent, qu'en est-il du sens et de la dénotation de phrases dans lesquelles figurent des noms propres ? Le contenu d'une phrase est une pensée. [...]
[...] Le vrai, qui est l'objet propre de la logique, s'applique à des propositions où il s'agit par exemple de faits historiques, de lois de la nature ou de lois mathématiques. Si les propositions formulent des demandes, un ordre, un espoir ou une prière, elles ne trouvent pas leur place dans la logique de Frege. Cette position n'est pas sans rappeler la délimitation faite par Aristote dans le Peri Hermenias entre le logos apophantikos (propositions déclaratives) qui peut être dit vrai ou faux, et les formes de discours poétique et rhétorique où il s'agit non de vérité mais d'imagination ou de persuasion. [...]
[...] Dans le premier cas, Frege parle de sens (mode de donation de la référence) et de référence (objet désigné) ; dans le second cas, de pensée et de valeur de vérité (le vrai et le faux). Les propositions, en tant qu'expressions saturées, sont assimilées à des noms propres, si bien que les valeurs de vérité se trouvent assimilées à des objets : une proposition désigne ces objets logiques que sont le vrai ou le faux : toute proposition affirmative, quand on considère la référence des mots qui la constituent, doit être prise comme un nom propre ; sa référence si elle existe est le vrai ou le faux Mais Frege n'accepte pas la théorie de la référence directe des noms propres (d'un John Stuart Mill) dans le cadre duquel un nom propre renvoie directement à un objet, sans passer par une signification. [...]
[...] Le sens est ce qui fonde la possibilité de reconnaître une même référence de deux façons distinctes. Il est donc la fonction mentale qui, partant d'une expression linguistique, nous permet de retrouver sa dénotation. Le sens est ainsi ce qui fait le lien entre l'univers du langage - peuplé de mots, de syntagmes, de phrases - et l'univers des choses extralinguistiques. Objectif, il transcende les particularités des langues ; ce n'est donc pas une réalité linguistique. Le sens est objectif, impersonnel et insensible. Sans lui, un nom propre ne serait qu'une suite vide de sons. [...]
[...] Elle indique un élément nouveau que la perspective extensionnaliste met au grand jour : la présence de pseudo-références dans le langage ordinaire, présence qui pousse l'homme de science à construire un autre langage où le souci de référence des signes utilisés est constant. La distinction entre sens et référence est utilisée par Frege pour rendre compte du gain de connaissance qui nous fait reconnaître une même référence de deux manières différentes. Ces deux manières ne sont pas des modes linguistiques différents, mais bien des pensées dont l'essence est insensible même si, pour nous, humains, ces pensées ne se donnent que sous la forme sensible des mots. [...]
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