Fondation de la métaphysique des moeurs, Kant, concepts kantiens, légalité de l'action, moralité de l'action, déontologisme radical
Dans cette première section de la Fondation de la Métaphysique des Mœurs, Kant amorce sa recherche du critère de l'objectivité pratique par une étude des considérations de la raison commune en matière de morale ; après qu'ont été récusées les voies traditionnelles de l'éthique des vertus et du conséquentialisme eudémoniste, au profit du concept d'une volonté bonne absolument et en elle-même, il s'agit dans ce passage d'éclaircir les tenants de cette idée : à quelles conditions pourra-t-on dire d'une volonté qu'elle est bonne ? Dans l'économie générale de la démonstration, et compte tenu de ce qui a été dit, on pourra formuler la problématique précise de l'extrait comme suit : que faut-il à une action pour être morale ? De même, il est possible de résumer la réponse constitutive de la thèse kantienne : une action morale est une action accomplie par devoir, c'est-à-dire par nécessité de respect pour la loi.
[...] La notion de respect, définie plus loin comme soumission consciente à un commandement reconnu pour transcendant, recoupe en effet les trois propositions : comme le précise Kant, le sentiment de respect ne peut naître que de la conception de lois transcendantes, d'une nature tenue pour supérieure à la nôtre, et jamais des inclinaisons, dans la mesure où elles nous sont immanentes, ni des objets contingents, qui ne sont bons que dans le sens où ils sont conformes à notre nature. [...]
[...] Plus exactement : qu'est-ce qu'induit le devoir dans l'ordre du principe de la volonté ? Pour Kant, la réponse vient naturellement : le devoir est la nécessité d'agir par respect pour la loi Cette troisième proposition fait donc intervenir deux nouveaux éléments pour caractériser le précédent - le devoir dont un travail de définition est initié ici : la loi est un schème de conduite objectif, indépendant des circonstances d'action, dont la formulation subjective est la maxime, qui peut faire office de principe particulier pour la volonté ; il n'est cependant pas encore précisé sous quelles conditions elle revêt un caractère axiologique positif, autrement dit ce qu'il faut à la maxime pour produire un acte jugé comme bon. [...]
[...] De même, il est possible de résumer la réponse constitutive de la thèse kantienne : une action morale est une action accomplie par devoir, c'est-à-dire par nécessité de respect pour la loi. La démonstration suit ici l'ordre de trois propositions : la première pose la distinction entre accomplir une action objectivement conforme au devoir et accomplir une action par devoir, c'est- à-dire, dans le registre des concepts kantiens, entre légalité et moralité de l‘action ; la deuxième et la troisième amènent à situer le devoir dans l'ordre des principes de la volonté, en tant que respect d'une norme reconnue pour transcendante, par opposition à l'inclination. [...]
[...] Qu'est-ce donc qu'accomplir une action morale, c'est-à-dire accomplir une action par devoir et non pas seulement conforme au devoir ? Afin de rendre cette distinction plus éloquente est développée, aux paragraphes 2 à une forme de typologie des degrés de concordance entre inclination et devoir ; l'action peut en effet : - être suscitée par l'inclination et s'opposer au devoir, auquel cas elle ne peut évidemment pas, comme le signale Kant, être accomplie par devoir, dans la mesure où le devoir lui-même requiert qu'elle ne soit pas accomplie ; - être conforme au devoir et être, par ses effets, objet d'une inclination indirecte : l'action en elle-même ne présente pas d'attrait particulier, mais ses conséquences à terme font l'objet d'un dessein intéressé Kant prend ici pour exemple un marchand qui, bien que l'occasion se présente de réaliser un profit important en arguant des prix exorbitants face à un acheteur non-connaisseur, s'en tient à des tarifs fixes et équitables vis-à-vis de tous ses clients ; si l'on excepte l'hypothèse selon laquelle l'action a été réalisée par sympathie spontanée (qui sera étudiée plus loin), il est néanmoins manifeste qu'il va de l'intérêt du marchand de ne pas passer pour un escroc : l'action est donc accomplie selon un calcul d'intérêt à moyen terme, en tant que l'attention est alors portée sur l'espérance (au sens mathématique) de la situation. [...]
[...] Cette considération avait par ailleurs déjà été introduite aux premières étapes de la définition de la volonté bonne comme bien suprême, Kant y ayant d'emblée récusé la voie d'une éthique conséquentialiste : la volonté bonne, telle qu'on la cherchait, devait se donner pour bonne en elle-même, c'est-à-dire indépendamment de toute utilité, sans considération pour l'environnement contingent où elle s'exerce, pour les effets qu'elle est à même d'espérer de [ses] actions En présentant la volonté comme (dans un sens métaphorique) à égale distance entre son principe [ ] formel, et son mobile [ ] matériel Kant entend en effet signifier que chaque action volontaire s'exerce à partir d'un principe formel - c'est-à-dire immuable dans la mesure où il demeure indépendant des circonstances matérielles de son exécution - sur un environnement matériel contingent ; la volonté est sollicitée - comme interrogée - par les circonstances pratiques particulières, auxquelles elle répond en se fondant sur un principe d'action indépendant - une maxime en termes kantiens. Or, c'est donc dans ce second élément exclusivement, le principe, que l'on va chercher avec Kant à fonder le bien de l'action, à travers la notion de devoir - où l'on voit se tracer, par opposition à celle du conséquentialisme, la voie du déontologisme. Mais - la question se pose avec davantage encore d'insistance - qu'est-ce alors qu'agir par devoir ? [...]
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