Le commencement cartésien des méditations de Husserl exprime non seulement un hommage fait à Descartes lors du voyage en France qu'effectue Husserl, mais aussi la volonté qu'a ce dernier d'établir sa « phénoménologie transcendantale sous la forme d'une esquisse systématique » (Husserl à Ingarden, le 21 décembre 1930 in Méditations cartésiennes et les conférences de Paris, éd. PUF). Ici, il s'agit de tempérer la solennité de l'hommage et d'indiquer le tournant transcendantal manqué par Descartes. Et notamment pourquoi et comment Descartes à dévier de l'orientation transcendantale qu'il semblait avoir pris. Jusqu'à cette digression (qui s'avère en fait être un point capital pour la naissance presque cartésienne de la phénoménologie), Husserl procède à une redécouverte de l'indubitabilité de l'ego à travers le caractère apodictique qui fonde son évidence. L'apodicticité husserlienne présente un élogieux dépassement de l'indubitabilité cartésienne ; l'ego n'est plus une résistance absolue au doute lui conférant l'éclat de l'évidence, il est, en tant qu'évidence apodictique, « impossibilité pure et simple de penser [son] non-être ; et [il] a donc la propriété d'exclure d'emblée comme étant sans objet le moindre doute concevable. » L'hommage rendu jusqu'à présent est établit sur les thèmes cartésiens qui ont pour Husserl une « portée éternelle ». Et pour cause, celui de re-commencement radical, de fondement absolu de la connaissance, c'est-à-dire l'exigence d'une première évidence absolue et bien entendu l'ego cogito et ses cogitationes. Tout autant de thèmes qui déterminent l'essentiel du geste cartésien aux yeux de Husserl : son commencement. Tout est fait jusqu'ici pour mettre au jour la portée éternelle du commencement cartésien, c'est-à-dire son atemporalité en tant que perpétuelle actualité.
[...] La nature du temps endossé par le texte est bien digressif ; mais fondamental en ceci qu'il insiste sur l'ouverture de l'ego en l'opposant à sa fermeture chosique et axiomatique établie par Descartes. Sans trop nous attarder sur le caractère évènementiel des conférences prononcées en Sorbonne, il faut admettre que Husserl pose une orientation qui rompt avec le cartésianisme quelque peu préfabriqué de ses méditations. Aussi deviennent-elles à partir de maintenant l'introduction à la phénoménologie que le sous-titre indiquait (tout comme le Sophiste de Platon devient rapidement un dialogue sur l'être). [...]
[...] C'est la confusion originaire de l'ego et de la substantia cogitans qui donne naturellement lieu au contresens. L'ego cogito ne doit donc pas être qu'une première évidence, mais une évidence apodictique première en soi. Le premier fondement absolu ne l'est pas en tant que fondation mais comme délimitation d'un champ d'expériences apodictique à explorer. Husserl et Descartes ont le même commencement dans le cogito à ceci prés que l'un s'y restreint en vue de le décrire et l'autre l'utilise comme fondement d'une science explicative. [...]
[...] Sans même parler de la référence à Archimède, il y a ce droit de concevoir de hautes espérances qui laisse entendre une volonté de retrouver le monde perdu dans la première méditation. C'est-à-dire qu'avant même de découvrir l'ego, Descartes n'envisage la possibilité de ce dernier qu'en tant que fondement à partir duquel une reconquête est possible. Ainsi, quand chez Descartes il s'agit de sortir du trou béant creusé par le doute méthodique et hyperbolique afin d'établir les fondements métaphysiques nécessaires à la solidité des Principes par exemple ; l'εποχή husserlienne découvrant l'ego devra être maintenue pour offrir ce dernier au regard philosophique. Le cartésianisme tend à justifier et expliquer le monde. [...]
[...] Nous l'avons dit plus haut, ce texte ne nous fait pas encore véritablement entrer dans la phénoménologie transcendantale mais nous introduit au concept de champ egologique. Ouvrir l'ego pur est une entreprise ambitieuse et compliquée, et le qui parvient à indiquer subtilement cette ouverture laisse en revanche le lecteur dans l'ignorance de ce qu'il est censé y voir ; d'où le caractère opaque de l'introduction egologique à la phénoménologie transcendantale. Nous avons encore à faire à une préformation de la phénoménologie naissante. [...]
[...] Tout autant de thèmes qui déterminent l'essentiel du geste cartésien aux yeux de Husserl : son commencement. Tout est fait jusqu'ici pour mettre au jour la portée éternelle du commencement cartésien, c'est-à-dire son atemporalité en tant que perpétuelle actualité. Ce passage ne nous place pas tant en un point de rupture qu'en un tournant déviant du néo-cartésianisme amorcé jusqu'ici. Le cours de cette première méditation conduit le lecteur en un embranchement décisif. D'un coté le cartésianisme qui fausse la portée de l'ego transcendantal fait l'objet d'une critique, de l'autre l'orientation transcendantale qui doit se saisir pleinement de l'ego. [...]
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