L'opinion est, selon le philosophe grec Platon, « quelque chose d'intermédiaire entre l'ignorance et le savoir ». Effectivement, l'opinion se définit généralement comme une croyance, un avis, un point de vue, relative à chaque individu ; elle reste donc incomplète et subjective, assentiment porté sur une vérité probable. Dans son ouvrage intitulé La Formation de l'esprit scientifique, le philosophe Gaston Bachelard s'élève contre l'idée de l'association de l'opinion et de la science, et contre la considération de la science comme un ensemble d'opinions non plus spontanées mais approfondies et rectifiées. Ainsi, la thèse principale de l'auteur est l'opposition et la suprématie de la connaissance scientifique à la connaissance première et intuitive. Elle répond au problème philosophique de la recherche de la vérité, puisque Bachelard expose et différencie deux manières de penser ; c'est-à-dire exercer une activité de type rationnelle, et de se rapporter au réel ; c'est-à-dire à la vérité.
Le texte se découpe en deux parties ; la première examine l'idée du refus de voir dans l'opinion une véritable pensée, et démarre avec une phrase qui expose la thèse de l'auteur, qui oppose entièrement la possibilité de lier l'opinion à la science. Une deuxième partie exprime l'idée qu'en science, les questions posées importent plus que les réponses ; la caractéristique de l'esprit scientifique est déterminée ainsi par ce qu'appelle l'auteur le « sens du problème ».
[...] Cette conquête de l'objectivité suppose l'exclusion de la subjectivité sensible, basée sur les passions et impressions premières, puis une analyse scientifique ; la raison pour laquelle, nous devons détruire l'opinion pour ne laisser libre cours qu'à la science. En somme, l'auteur ne s'interroge pas seulement sur l'opinion en général, ou sur la science, voire leur opposition, mais avant tout sur la formation de l'esprit : l'enjeu étant de former une pensée, d'apprendre à penser, et cela, plus précisément en science. Nous avons pu observer que Bachelard dénonce, dans le texte, un défaut que doit éliminer le scientifique : l'opinion. [...]
[...] Ce qui caractérise l'opinion pour Bachelard est ce qu'elle fait, et non ce qu'elle est. Elle interdit de réfléchir, fait obstacle au savoir et doit donc être rejetée purement et simplement. La phrase On ne peut rien fonder sur l'opinion ; il faut la détruire signifie que l'opinion ne permet pas d'obtenir des raisonnements fondés, au contraire elle s'y oppose, c'est pourquoi elle est inutile et si l'on veut atteindre un raisonnement et une connaissance, il vaut mieux l'éliminer. Bachelard nous invite ainsi à chasser de notre esprit des concepts de la vie commune, spontanés, et sans fondement. [...]
[...] En sachant que Bachelard s'oppose au partage illusoire de la recherche de la vérité et des questions passionnelles, que soutient d'ailleurs Descartes, nous pourrions maintenant nous demander si l'auteur, en caractérisant l'opinion comme un obstacle pour la science, ne répondait-il pas à la question philosophique concernant la privation de l'emprise des passions de la recherche de la vérité ? Peut-on faire abstraction de nos passions dans la recherche de la vérité ? La morale impose-t-elle des limites pour cette recherche ? [...]
[...] L'auteur semble vouloir prouver ce qu'il avait affirmé précédemment, car en effet, si la ‘spécialité' du scientifique est de se poser des questions et que cela ne va pas de soi, et ne se fait pas naturellement, alors la réponse à cette question posée ne peut être que l'aboutissement, le résultat, c'est-à-dire le savoir. Lorsque sur un point, sur un sujet, tout est clarifié, tous les problèmes sont résolus, nous possédons une connaissance. On voit apparaître une méthode de la science ; se poser des questions, y répondre, acquérir, et connaître. Ensuite, le savoir acquis devient inné pour les générations futures. [...]
[...] Nous pouvons comprendre que grâce à l'expérimentation, le scientifique n'a plus à attendre que la nature lui livre ses secrets en sachant que l'observation scientifique requiert des instruments de manipulation qui demandent eux-mêmes des théories. Et si rien ne va de soi c'est que la connaissance n'a pas apparu sans que l'Homme intervienne, sans la part de la science. Mais la science elle-même n'est-elle pas la création de l'Homme ? Ou encore elle existait, mais ne possédait pas encore un terme pour être identifiée. [...]
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