Dans ce texte, Locke se demande s'il existe un seul « principe moral » valant universellement, c'est-à-dire s'imposant à tous les hommes sans exception. Y a-t-il un bien en soi, indépendant des mœurs, des cultures, des individus, et inscrit en lettres éternelles dans le cœur de chaque homme ?
Selon notre auteur, la réponse est à l'évidence négative : il suffit d'avoir quelque teinture d'histoire pour savoir avec certitude qu'un acte jugé répréhensible et sévèrement puni à une époque donnée était au contraire récompensé à une autre ou en un autre lieu. La conclusion est aisée à tirer : le bien et le mal ne sont pas des notions innées, mais acquises par l'expérience ; elles dépendent donc du contexte historique général, autant que de l'histoire personnelle de chaque individu.
[...] Quiconque se rendait coupable d'un parricide dans la Rome antique était cousu vivant dans un sac avec un serpent et un chien enragé, puis jeté dans le fleuve. Le parricide était le crime le plus durement châtié dans le monde romain ; il était en revanche socialement accepté dans nombre de peuplades inuits. Mis à part peut-être la prohibition de l'inceste, il n'est aucun interdit moral qui ne semble universellement partagé, en sorte qu'il faudrait visiblement donner raison à Locke : ce que nous prenons pour des vérités pratiques ne sont en fait la plupart du temps que des exigences sociales et des faits culturels toujours inscrits dans un contexte historique (datable ou non) et civilisationnel. [...]
[...] S'ils ne respectent aucune des lois de l'État, ils se soumettent de bonne grâce à ces principes fondamentaux de route société, fût-elle une société du crime. Mais il est pour le moins étrange d'en tirer argument en faveur de l'universalité des exigences morales et de l'innéité des principes de vérité et de justice : si vérité et justice s'imposaient à eux comme des commandements moraux, alors ceux-là ne vivraient pas de fraude et de rapine Sans doute alors faut-il tirer la conclusion inverse: si justice et fidélité à la parole donnée sont respectées en toute communauté, c'est parce qu'il s'agit de valeurs socialement nécessaires, qui en soi n'ont rien de moral et ne sont absolument pas innées. [...]
[...] Mais alors, est-ce assez pour démontrer l'inexistence d une loi morale universelle parlant à la conscience de chacun ? La réponse est à l'évidence négative : autre chose est de dire que je peux faire quelque chose de mal, autre chose d'affirmer que j'ignore le mal que je fais lorsque je le fais. Telle est du moins la thèse de Kant : la loi morale est un fait de raison présent en tout être raisonnable, même vivant sur d'autres planètes ; mais il ne suffit pas de savoir ce qui est bien pour le faire. [...]
[...] De ce fait, ce ne seraient plus des bandits. Or ils en sont : il faut donc croire qu'il n'y a rien de moral dans l'observance de telles règles. Et en effet, répartir les biens en fonction des mérites, respecter la loi commune au groupe, ne pas mentir ni tromper son semblable, être fidèle à sa parole, voilà autant de liens élémentaires de toute société Pour qu'il y ait société en effet, il faut que chacun des membres soit d'une façon ou d'une autre un obligé : si le fondement de la société, c'est l'entraide et la collaboration, alors celui qui profite des autres sans jamais rien leur offrir sera mis au ban du corps social. [...]
[...] Justice et fidélité sont des principes socialement utiles Est-ce assez pourtant pour faire de la justice et de la fidélité à la parole donnée des vérités morales s'imposant sans discussion à tous? Non pas: ces règles ne sont pas respectées comme des lois de nature innées en d'autres termes ce n'est pas parce que même les bandits s'y soumettent qu'il s'agit de principes gravés dès la naissance dans le cœur de tous les hommes. Si toutes les sociétés respectent de tels principes, c'est tout simplement parce qu'ils sont indispensables à toute vie en communauté, même si cette communauté est un agrégat de fripons. [...]
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