Dans cet extrait du Crépuscule des Idoles, Friedrich Nietzsche s'attaque à la figure socratique, à « coups aphoriques de marteau ». Nietzsche estimait Socrate, pionnier du raisonnement logique, bien qu'il tenta, par la réfutation de sa philosophie, d'ébranler les fondements de la philosophie, elle-même, en place depuis des milliers d'années. La question que pose explicitement Nietzsche est de savoir si la dialectique ne serait pas, finalement, qu'une forme de la vengeance chez Socrate.
La notion de dialectique est omniprésente dans la critique sarcastique que fait Nietzsche de la philosophie socratique. Il faut donc redonner à ce terme sa signification en vue de mieux comprendre sur quoi se fonde la dépréciation de l'auteur.
[...] Mais si je parle de la vérité ou du mal ces concepts ne sont représentatifs pour l'un et l'autre que verbalement. Nietzsche oppose ici le fait que, les hommes n'ont que trop foi dans le discours,et tiennent pour vérité ce dont on leur parle. Au final, le langage joue sur deux niveaux distincts : les termes du discours et le but du discours. Or, d'après Nietzsche, le sens du mot ne permet pas de comprendre la valeur du message, c'est pourquoi il y aurait duperie dans le discours. [...]
[...] Par là, Nietzsche y voit une volonté de Socrate de vouloir se venger de l'autorité athénienne à travers l'agon ; et le leurre de son existence, traduit par la formule raison=vertu=bonheur. [...]
[...] Pour Nietzsche qui se sait profond, s'efforce à la clarté : qui veut paraître profond aux yeux de la foule, s'efforce à l'obscurité. Car la foule tient pour profond tout ce dont elle ne peut voir le fond : elle a si peur de se noyer! (Gai Savoir) Au final, Nietzsche rétrograde la dialectique au même rang que la rhétorique, comme moyen d'emporter la conviction de l'auditoire. Ainsi, Socrate, par la dialectique, était-il empreint d'une volonté de pouvoir? Et cette volonté aurait-elle été animée par un ressentiment envers les Athéniens? [...]
[...] En effet, la société, dans laquelle vit Socrate, est régie par la rhétorique sophistique, ou l'art d'utiliser les affects et les procédés linguistiques dans le discours afin de persuader l'opinion publique de n'importe quelle vérité La dialectique de Socrate du tout ce que je sais, c'est que je ne sais pas est donc en parfaite divergence avec l'art sophistique (qui est d'ailleurs comparé, par Platon, à la cuisine : il y a des bons et des mauvais cuisiniers, mais pas un savoir . Tout le premier paragraphe du texte de Nietzsche pose donc les bases du problème de Socrate, à savoir, la rupture qu'il cause dans la société athénienne basée sur l'opinion. La dialectique use du langage par la logique en vue d'atteindre la vérité absolue. Quelles sont alors, selon Nietzsche, les limites de cette utilisation ? [...]
[...] C'est en tout cas ce que semble penser Nietzsche. Socrate rendait fou, par son incessante manie de réfuter les réponses de ses interlocuteurs. Platon le rapporte par l'exemple du dialogue entre Socrate et Ménon au sujet de la vertu. Socrate interroge Ménon sur l'essence de la vertu et ne peut se contenter de ses réponses réductrices ou, au contraire, trop vastes. Il [le dialecticien] rend furieux et en même temps il prive de tout recours Mais en quoi peut-on parler de vengeance? [...]
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